dimanche 22 décembre 2019

Légende de Noël

Arrivée de Noël oblige : une légende s'impose.
Celle-ci est très classique puisqu'il s'agit de "L'étoile des mages".




"Le Jésus, ce n'est pas le grand large, c'est ce petit bout de nuit là-bas, avec une étoile, une seule... Et maintenant, regardez la nuit inondée d'étoiles ! Il y a des forces du monde. Voilà le secret."
Jean Giono (Le serpent d'étoiles).

Quand Adam vint sur le mont Nud en Perse, il logea de l'or, de l'encens et de la myrrhe dans une caverne creusée par les eaux. Le trésor attendrait là qu'un astre lumineux annonce la venue du Messie. En ce lieu, génération après génération, douze mages guettèrent le ciel en priant. Ils venaient d'Uruk, Ninive, Babylone, de Karnak, d'Akkad et de Sumer, de Chaldée, d'Egypte ou de Grèce. Ils étaient des veilleurs, consacrés à la science des astres et à l'art des présages, des mathématiciens célestes. Ils connaissaient le Rig-Veda de l'Inde, l'Avesta de la Perse, il avaient reçu de prêtres, érigeant des mégalithes, un savoir oublié.
Deux ans avant la naissance de l'enfant divin, confortés dans leurs prédictions, ils virent apparaître les signes attendus dans le ciel étoilé; le moment était venu de sortir les trois ors d'Adam de leur caverne. Ils s'approchèrent avec dévotion et transvasèrent précautionneusement l'or, l'encens et la myrrhe dans des jarres de terre blanche. Ils apprêtèrent une caravane comme on n'en n'avait jamais vu. Elle formait un cortège de chameaux, d'ânes et d'éléphants montés par d'alertes vieillards et de jeunes novices. Ils emportaient leurs bâtons ornés pour suivre les mouvements des astres, des parchemins roulés, des stèles couvertes de chiffres, des croix de toutes sortes.




Vue de l'Orient, la lumière causée par le croisement des planètes devint intense. Elle formait une image pareille aux vieilles légendes : une fille portant sur son sein un enfant assoupi. La caravane parvint aux portes de Jérusalem dans l'effervescence populaire. Le roi Hérode, inquiet des prophéties, fit venir les sages en grande pompe dans son palais. Le despote leur offrit spectacles et mets délicats, se fit doucereux, ami des sciences et faussement touché par la naissance du Messie. Il demanda aux sages de lui révéler, le moment venu, l'endroit, pour l'adorer lui aussi. Quand l'étoile, faite de plusieurs astres, eut dessiné dans le ciel d'étranges pas, la caravane reprit sa route, promesse faite au roi Hérode de venir le quérir dès l'apparition de l'enfant divin.
Or, voilà qu'un soir l'étoile s'arrête, se pose au-dessus d'une étable. Des bergers sont rassemblés, silencieux, autour d'un musicien. La flûte, qu'il a plantée dans le ciel, s'est tue. Du lait coule de ses lèvres.
A l'intérieur, on entend la respiration des bêtes et le babil d'un tout-petit. Les bergers s'écartent, les mages entrent et saluent Marie, Joseph et quelques autres, réunis. Ils ouvrent les jarres blanches et déposent dans la paille les trois ors d'Adam, puis s'agenouillent et bénissent, sourire aux lèvres, l'agneau du monde. La même nuit, plusieurs s'assoupissent et voient venir un ange qui leur commande de rompre la promesse faite à Hérode et de repartir sans délai, par un autre chemin. L'apparition sauva l'enfant.
Le roi Hérode, favori des Romains, obsédé par les complots imaginaires, craignait la venue d'un roi des Juifs. Il voulait tuer l'étoile. Comme nul ne vint le quérir, le cruel tyran ordonna l'holocauste des tout-petits. Il en fit périr soixante trois mille autour de Bethléem, petits astres qui montèrent, accompagnés de cris, des suppliques des mères, jusqu'aux blanches nourrices de la Voie lactée.
Entre-temps, l'ange était revenu prévenir Joseph de mener sans délai l'enfant et Marie en Egypte.
L'étoile s'en fut, sauve, escortée par ses parents. Elle foula les sables dorés, le front brillant, fit sur la terre comme au ciel, devint soleil.




Les mages s'étant séparés, chacun s'en alla porter la bonne nouvelle.
Le berger à la flûte s'en fut par les chemin secrets de l'errance, conter la nuit de l'étoile.

"Je suis la lumière qui illumine tout homme."
Évangile de Thomas, logion 77







Légende racontée par Patrick Fishmann


Je vous souhaite une belle fin d'année, pleine de belles légendes et de belles rencontres.

dimanche 15 décembre 2019

Christian Bobin



Christian Bobin était l'invité de La grande librairie cette semaine. C'est un bonheur de l'écouter parler, lui qui s'exprime comme il écrit. Je crois qu'il pense poétiquement. On parle d'habiter poétiquement le monde, Christian Bobin le pense poétiquement.
Alors bien sûr, il faut entrer dans son monde et se laisser porter par cette façon particulière de tout regarder et d'être présent mais on peut se laisser facilement envoûter.
J'ai retenu quelques phrases pour nous laisser écouter le silence entre les mots. Elles parlent de mélancolie, d'émerveillement, de musique mais aussi de l'amour et de la mort.




"Je ne fais que chanter. J'écoute aussi la conversation du tilleul avec le vent. Le fou rire des feuilles dans la petite brise du soir est un bon remède contre la mélancolie." Eloge du rien


"L'émerveillement n'est pas l'oubli de la mort, mais la capacité de la contempler comme tout le reste, comme l'amer et le sombre : dans la brûlure d'une première fois, dans la fraîcheur d'une connaissance sans précédent.
La fin de l'enfance est sans histoire. C'est une mort inaperçue de celui qu'elle atteint. C'est la plus grande énigme dans la vie, comme l'épuisement d'une étoile dont l'éclat ne cesse plus de ravir toutes vos heures, jusqu'à la dernière.
Il n'y a ni futur ni passé dans la vie. Il n'y a que du présent, qu'une hémorragie éternelle de présent."
La part manquante




"Mélancolie. Personne ne sait : les usines, les grandes étoffes noires des usines. Le miroir du ciel en deuil. La très sainte oisiveté bannie des grandes villes. Plus rien, plus personne.
La nudité du mot absence. Cette musique préférée de vous : des chants grégoriens, comme au bord de la mer, très proche de mourir. Cet art accompli du souffle et du silence, qui seul me permettait de vous atteindre.

Mettre un disque pour organiser l'absence. Glenn Gould joue des sonates de Haydn. Le disque est rayé au début de la sonate numéro 62. Dans le mouvement lent, il se produit quelque chose, un ratage. L'interprète oublie brusquement la musique, toute cette masse de musique depuis le premier soir du monde. Il joue à deux notes du silence. Il invente une émotion pure, effrayante, qui n'aurait avant cet instant emprunté aucun corps, sauf peut-être celui d'un simple d'esprit ou d'un fou." 

L'enchantement simple



"De la mort qui est ici chez elle, personne ne leur parle. ils sont les seuls à en dire quelque chose, toujours à l'improviste et à voix basse, comme s'il s'agissait d'une chose honteuse.
Ces gens dont l'âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n'auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe." La présence pure


"Qui n’a pas connu l’absence ne sait rien de l’amour. Qui a connu l’absence a pris connaissance de son néant – de cette connaissance de son néant – de cette connaissance lointaine qui fait trembler les bêtes à l’approche de leur mort." Une petite robe de fête

dimanche 8 décembre 2019

Laissons les enfants...

Ce poème de Victor Hugo nous parle bien sûr de la mort de nos enfants mais "laissez les enfants mourir" nous parle aussi de les laisser vivre leur vie et devenir eux-mêmes, laissons les voler ! "Nos enfants ne sont pas nos enfants" disait Khalil Gibran, dont je cite le texte ensuite. Nous ne sommes que des passeurs, nous les parents, et c'est déjà beaucoup, laissons nos enfants mourir pour devenir l'avenir.




Aucune aile ici-bas n'est pour longtemps posée.
Quand elle était petite, elle avait un oiseau ;
Elle le nourrissait de pain et de rosée
Et veillait sur son nid comme sur un berceau.
Un soir il s'échappa. Que de plaintes amères !
Dans mes bras en pleurant je la vis accourir,...
Jeunes filles, laissez, laissez, ô jeunes mères,
Les oiseaux s'envoler et les enfants mourir !

C'est une loi d'en haut qui veut que tout nous quitte ;
Le secret du Seigneur, nous le saurons un jour.
Elle grandit. La vie, hélas ! marche si vite !
Elle eut un doux enfant, un bel ange, un amour.
Une nuit, triste sort des choses éphémères !
Cet enfant s'éteignit, sans pleurer, sans souffrir...Jeunes filles, laissez, laissez, ô jeunes mères,
Les oiseaux s'envoler et les enfants mourir !


Victor Hugo





Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.

Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.

Khalil Gibran (Le prophète)


Avant de leur laisser les clés de ce monde, souhaitons leur de réussir mieux que nous à le protéger et à lui redonner sa beauté. 

dimanche 1 décembre 2019

Se tourner vers le ciel

Nous partons aujourd'hui explorer le ciel avec deux poètes et deux visions bien différentes du monde !
Omar Khayyam est un savant qui vivait en Iran au XIe siècle. Je dis savant parce qu'il était tout à la fois philosophe, poète, mathématicien et astronome.
C'est le poète que j'honore ici avec ses quatrains auxquels son nom est associé, qui nous parlent de la vie, des femmes et du vin. Cela lui valut quelques problèmes avec les religieux de l'époque !
Avec lui, nous partons dans l'espace avec sa poésie un peu désabusée.



Le vaste monde : un grain de poussière dans l'espace
Toute la science des hommes : des mots
Les peuples, les bêtes et les fleurs des sept climats : des ombres
Le résultat de ta méditation : rien

Si je pouvais être le maître, comme Dieu,
Je saurais démonter le ciel au beau milieu.
Et je ferais alors, au milieu des étoiles,
Un autre ciel, où l'homme atteindrait tous ses voeux.

C'est à cause du Ciel que mon coeur est farouche.
C'est Lui qui déchirera mon bonheur en lambeaux.
L'air qu'il souffle sur moi m'est le feu d'un flambeau
Et l'eau a pris un goût de terre dans ma bouche.

Nous sommes des jouets entre les mains du Ciel
Qui nous déplace comme Il veut : c'est notre maître.
Au jeu d'échec, nous sommes des pions éternels
Qui tombent un à un tout au fond du non-être.

Cette céleste Roue à nos yeux suspendue
Est lanterne magique étonnant notre vue.
Du milieu, le soleil éclair la lanterne,
Et nous tournons autour, images éperdues.

De la ronde éternelle, arrivée et départ,
Le début et la fin échappent au regard.
D'où venons-nous, où allons-nous? Jamais personne
N'a dit la vérité là-dessus nulle part.


Omar Khayyâm - Les chants d'Omar Khayyâm



Avec Baudelaire, nous nous élevons aussi vers le ciel mais pour échapper au monde et finalement mieux le comprendre en y retournant :

Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les ésthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gayement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Charles Baudelaire


dimanche 24 novembre 2019

L'année 2020

Uranus

Comme je vous l'avais annoncé, la conférence d'astrologie mondiale pour l'année 2020 était présentée vendredi soir par Sylvie Lafuente Sampietro.
Nous étions nombreux pour assister à ce décryptage de l'année à venir, il faut dire que le programme pouvait nous interpeller et que la situation actuelle du monde peut prêter à des interrogations.

"Poser les fondations d'un nouveau monde", le titre de la conférence, nous menait déjà vers le futur. Ces deux dernières années, nous devions lâcher prise au passé pour construire l'avenir et maintenant nous y sommes.
Mais, ce que nous a rappelé Sylvie Lafuente Sampietro, en nous expliquant à nouveau le déroulement des cycles, c'est qu'il est très important d'effectuer ce lâcher prise au passé pour laisser la place à ce qui va arriver. Et si nous n'arrivons pas à conclure (l'exemple du Brexit pour l'Europe est parlant), nous ne pourrons pas finaliser cet ancien cycle ni impulser l'avenir.


Pluton


Nous avons regardé pour 2020 les positions planétaires de Pluton ( en Capricorne), Neptune (en Poissons), Uranus (en Taureau), Saturne (qui passe de Capricorne en Verseau au cours de l'année) et de Jupiter (qui passe également du Capricorne au Verseau).

En astrologie mondiale, on s'intéresse particulièrement aux cycles de ces planètes entre elles (chaque planète tournant dans notre ciel à des vitesses différentes peut rencontrer les autres planètes à des moments particuliers qu'on appelle conjonction, puis se séparer pour avancer chacune à leur rythme puis se rejoindre à nouveau plusieurs années plus tard).

Quand deux planètes se rencontrent, elles vont échanger, créer un projet commun. Le début est chaotique : on ne sait pas où l'on va, beaucoup de forces refusent la nouveauté, et il ne faut pas rater ce démarrage qui est aussi un endroit de grande liberté où l'on a le choix, et toutes les possibilités.
Nous avons cette année trois grands cycles qui redémarrent : Saturne/Pluton, Pluton/Jupiter et Saturne/Jupiter.. 
Cela veut dire aussi que les trois planètes sont au même endroit dans le ciel, ce qui est très rare.
L'étape de la création et du démarrage est une période dangereuse : nous devons donc réagir et créer une nouvelle dynamique. C'est la meilleure conjoncture pour être créateur : ce moment est porteur d'une plus grande liberté et d'inconscience sur ce qui démarre.


Saturne


Nous avons donc passé en revue les trois planètes sous deux aspects : à quel niveau de conscience nous pouvons les vivre et quelles en sont les conséquences, quels peuvent être les enjeux au niveau mondial, sociétal et individuel.
Au début du cycle Saturne/Pluton , la révolte gronde aux quatre coins du monde et nous pouvons aussi constater que la violence est partout débusquée (jusque dans les foyers avec les féminicides).
Pour chacun de nous, il s'agit de définir nos valeurs essentielles et notre rôle dans la société, de sélectionner ce qui est durable et d'intégrer le principe de réalité.
Le cycle de Jupiter/Pluton va nous demander le développement de nos capacités de  maîtrise, de notre sens des responsabilités , de la recherche de sens, de notre vision à long terme. Mais selon le niveau auquel il sera vécu, nous aurons le terrorisme et l'amplification du pouvoir ploutocratique lié au Dieu profit ou une colère qui dénonce et peut mettre en route le renouveau de la société.
Et le cycle de Jupiter/Saturne qui rythme la construction des sociétés va faire émerger des idées nouvelles, des échanges d'idées et ce n'est pas le moment de se refermer sur soi. 
Il sera très important de se tenir bien informé et de comprendre comment passent les informations.
Et il faudra penser réseaux et collectivité.
Nous pouvons inventer l'avenir dont nous avons envie.


Jupiter


Nous allons poser les fondations d'un nouveau monde mais nous ne verrons pas grand chose puisque tout est en germe. C'est le moment de tous les dangers : comment construire ce monde ?
On sent une colère qui monte, la protestation pour déclarer son opposition : il faut pour y répondre associer authenticité et durabilité.
Ne perdons pas de vue que Pluton qui nous montre nos ombres, nous soutient également  de toute son authenticité si nous restons dans l'impeccabilité.
Nous avons également évoqué Uranus en Taureau qui devrait conduire à une grosse déstabilisation dans le monde des finances. Il va déstabiliser les systèmes par rapport aux ressources. Cela nous conduira à développer le détachement.
Enfin, la fondation du nouveau monde nous demandera avant tout de choisir les projets vers lesquels nous voulons nous orienter.


Neptune


Impossible de retracer la conférence, je n'ai indiqué ici que quelques éléments. Mais j'espère vous avoir donné envie d'aller voir plus loin pour comprendre les enjeux de cette année 2020 et mettre de la conscience sur ce qui est en jeu actuellement dans ce monde qui nous parait très souvent chaotique et désorganisé.

Avec l'adhésion à l'association Altaïr, vous pouvez louer le CD audio de la conférence ou obtenir le fichier de la conférence en lecture en nous laissant un mail à : assoc.altair@gmail.com

dimanche 17 novembre 2019

Le vénérable moine


En attendant de reparler de l'astrologie mondiale, sans doute la semaine prochaine, voici un conte zen, une aventure classique entre un samouraï et un moine, racontée par Pascal Fauliot :




Couper la tête du Bouddha

Des samouraïs du shôgun firent un jour irruption dans un monastère zen. Ils cherchaient des rebelles qui, selon leurs informateurs, avaient trouvé refuge dans le sanctuaire. Ils le fouillèrent dans ses moindres recoins mais ne trouvèrent que des moines en méditation dans le zendô.
Soupçonnant que les fugitifs étaient cachés parmi eux, tonsurés dans les robes d'encre de l'ordre avec la bénédiction de l'abbé, le commandant de l'Escouade s'approcha du Vénérable. Il dégaina son  sabre et le somma de livrer les ennemis du shôgun.
Le révérend, les yeux mi-clos, garda le silence. L'officier leva son katana et, d'une voix tonnante, éructa :
_ Ne voyez-vous pas devant vous quelqu'un qui pourrait vous couper la tête sans sourciller ?!
Le vieux moine, sans davantage entrouvrir les paupières, le visage aussi impénétrable qu'une statue de Bouddha, répliqua :
_ Ne voyez-vous pas devant vous quelqu'un qui pourrait avoir la tête coupée sans sourciller ?!
Impressionné par le sang-froid du maître zen, le samouraï demanda :
_ Si je coupais la tête du Bouddha, de combien raccourcirais-je son enseignement ?
Le méditant laissa fuser un rire qui tournoya entre les colonnes de la salle et leva la main au-dessus de sa tête en disant :
_De ça !
Le farouche guerrier éclata de rire à son tour, s'inclina et tourna les talons.



La grande Voie n'a pas de porte.
Des milliers de chemins y mènent.
Qui passe ce Portail sans porte, 
Marche librement entre le Ciel et la Terre.
                                  Wu-Men Hui-k'ai


dimanche 10 novembre 2019

Conférence d'astrologie mondiale


C'est pour bientôt : le 22 novembre, la conférence annuelle de Sylvie Lafuente Sampietro sur l'astrologie mondiale.
Il ne faut pas la manquer parce que cette année 2020 va être passionnante : du renouveau, de la tension et la refondation du monde, rien de moins !
Cette année nous promet de grands mouvements qui auront des répercussions sur les années à venir, il vaut donc mieux effectuer ce passage en toute connaissance de cause. Nous aurons été prévenus...




Voici comment Sylvie Lafuente Sampietro nous présente cette conférence :


L'année 2020 : "Poser les fondations d'un nouveau monde"


Cette conférence a pour objectif de vous permettre de mieux comprendre la mutation du monde et de nos sociétés à travers une prise de recul sur l’actualité et une compréhension des cycles que l’humanité vit.
Elle est un apport personnel pour la gestion de votre année 2020 : elle vous donnera des clés pour saisir ce qui se passe dans votre vie et une prise de conscience des cycles qui sont à l’œuvre.
L’année 2020 est un point clé de fondation de l’organisation de notre planète de façon très pragmatique.
Elle va reformuler le monde sur le plan des forces territoriales, politiques et économiques.
C’est un temps fondateur pour la structuration très concrète de cette mondialisation que nous vivons tous. 




Nous verrons trois grands cycles se renouveler (Pluton/Saturne, Pluton/Jupiter, Saturne/Jupiter) dans les signes du Capricorne et du Verseau.
Le moment des conjonctions est souvent chaotique, car c’est l’instant de la création, de l’ensemencement du futur. C’est un espace de liberté, car nous choisissons ce qui va se développer dans l’avenir.
Revenir à l’essentiel et à ce qui est durable est une clé de réussite de cette mutation.
L’ancien monde s’écroule et il est temps de semer les graines du futur. 

Sur le plan mondial, il s’agit de l’organisation des rapports de pouvoir et de force entre les pays, et d’une révolution dans la gestion des ressources et des finances.
Sur le plan sociétal, il s’agit de la rénovation de nos institutions, de la transformation des entreprises, de la création de nouvelles organisations et communautés.
Sur le plan personnel, il s’agit de saisir les mutations en jeu pour organiser notre vie en fonction de nos valeurs les plus authentiques.
Choisir avec soin ce que nous désirons cultiver dans nos vies, savoir lâcher ce qui ne fait plus sens et utiliser notre espace de liberté pour créer de nouveaux modèles d’existence.
Nous verrons émerger de plus en plus de communautés porteuses de valeurs diverses, nous devrons choisir avec qui nous voulons évoluer et grandir.
Comment cerner notre rayon d’action et avancer dans le temps du chaos créatif ?
Comment canaliser la révolte et la violence en puissance de création ?
Sur quoi fonder nos réalisations et projets ?
Comment sélectionner les graines de notre futur ?
Comment se saisir de l’opportunité du renouveau ? 




Et nous verrons également en toile de fond et pour compléter les éléments ci-dessus, les grands cycles qui propulsent l’humanité dans une dynamique d’évolution incroyable. Ils sont tous en phase de croissance. Pluton/Neptune (cycle de 494 ans) a débuté en 1892 représente la mutation de nos croyances fondamentales, il est en phase d’organisation pratique (le sextile). Pluton/Uranus (cycle de 139 ans) a débuté en 1966, il gère les révolutions technologiques et se trouve en pleine phase d’application (suite du carré). Uranus/Neptune (Cycle de 171 ans) a débuté en 1993, il s’occupe des mutations idéologiques et religieuses et il est en phase d’émergence (suite du semicarré).

Ceci génère une mutation radicale de nos modes de vie, de pensée et des équilibres économiques et politiques. 
Cette année à venir sera d'une grande puissance. Venez assister à la conférence pour mieux en comprendre les enjeux et mieux prendre vos décisions de vie.



Conférence organisée par l’association Altaïr
Réservation à :  assoc.altair@gmail.com ou au local d'astrologie.

Vendredi 22 novembre à 20h30
Salle de conférence de la
Maison du Tourisme de Grenoble

Entrée 14 € / 10 € adhérent Altaïr

dimanche 3 novembre 2019

L'ego n'est pas notre ami



Voici un livre éclairant sur l'ego et ses artifices, sur les moyens que nous avons pour le faire taire en nous et entrer véritablement en relation.
Beaucoup de livres ont été écrits sur le sujet, beaucoup de chemins spirituels nous y invitent, et souvent ne nous permettent pas d'avancer car trop théoriques ou trop éloignés de nos vies.
Avec "Moins d'ego, plus de joie, un chemin de liberté" de Christophe Massin, nous allons vraiment découvrir comment débusquer l'ego dans chaque recoin de notre vie, puis comment se laisser gagner par ce qu'il nous cache et découvrir que nous ne sommes rien, ce qui nous donne une immense liberté.
Il ne nous propose pas de remède miracle, mais d'être attentionné à nos émotions et à ce qu'elles cachent tout au long de notre vie pour ne pas se laisser guider par cette personnalité que nous avons construite depuis notre naissance et même avant.



Deux exemples des difficultés que pose l'ego, en occident et en orient :

« Le moi est haïssable. […] En un mot, le moi a deux qualités. Il est injuste en soi en ce qu’il se fait centre de tout ; il est incommode aux autres en ce qu’il les veut asservir, car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. » Blaise Pascal

"L’attachement à l'existence de l'ego considéré comme une entité unique et autonome est fondamentalement dysfonctionnel, car il est en porte-à-faux avec la réalité. Fondé sur une erreur, il est constamment menacé par la réalité, ce qui entretient en nous un profond sentiment d’insécurité. Conscient de sa vulnérabilité, l’ego tente par tous les moyens de se protéger et de se renforcer, éprouvant de l’aversion pour tout ce qui le menace et de l’attirance pour tout ce qui le sustente. De ces pulsions d’attraction et de répulsion naissent une foule d’émotions conflictuelles.
En vérité, nous ne sommes pas cet ego, nous ne sommes pas cette colère, nous ne sommes pas ce désespoir. Notre niveau d’expérience le plus fondamental est celui de la conscience pure, cette qualité première de la conscience et qui est le fondement de toute expérience, de toute émotion, de tout raisonnement, de tout concept, et de toute construction mentale, l’ego y compris."Matthieu Ricard


"La plupart des traditions spirituelles désignent en effet l’ego comme le responsable de l’insatisfaction qui ronge les humains. Pour elles, il est l’origine de la souffrance et des conflits. C’est l’obstacle au bonheur, à la liberté et à l’harmonie. Le seul remède envisagé est tout simplement sa disparition : le vieil homme doit mourir pour laisser la place à l’homme nouveau. Les spiritualités orientales ajoutent à cela que perdre l’ego coûte bien moins que nous ne l’imaginons, car il n’est qu’une illusion dont on peut se défaire sans effusion de sang !

Il est la source de notre malheur parce qu’il crée la séparation, cause de toutes les souffrances. Il ramène tout à lui, voit la réalité déformée à travers son prisme, exige que le monde se plie à ses désirs, poursuit obstinément son intérêt au détriment de son entourage. Et, comble, c’est un fantoche, un imposteur qui prétend être qui je suis, alors qu’il n’a aucune existence propre. Une pure fantasmagorie qui pourtant s’arroge de diriger ma vie et qui s’attribue mes actes ! Pour parachever le tableau, il est prétentieux, de mauvaise foi, capricieux et infantile, infatué de son importance. Si, avec tout cela, on n’a pas compris qu’il est le potentat à abattre…"Christophe Massin

Christophe Massin est psychiatre-psychothérapeute. Son cheminement personnel l'a amené à rencontrer Arnaud Desjardins en 1974 et, à travers lui, l'enseignement de Swâmi Prajnânpad et la sagesse traditionnelle de l'Orient. Il a pu ainsi approcher des grandes figures spirituelles comme Ma Anandamayi et comme les maîtres bouddhistes tibétains en exil.
Depuis 35 ans, il accompagne en thérapie des personnes dans une démarche d'évolution, et le coeur de son travail réside dans l'acceptation émotionnelle.
Dans le cadre de séminaires et de retraites, il participe également à la transmission de l'enseignement de Swâmi Prajnânpad, dont la pratique centrale est fondée sur l'acceptation de ce qui est.
Il a écrit plusieurs livres dont "Souffrir ou aimer" dans lequel il détaillait déjà ce chemin : "Accepter nous réconcilie avec nous-mêmes, avec notre vie telle qu'elle est. Cela nous conduit à la paix intérieure et nous permet une action libre." L'auteur nous parle aussi de sa propre expérience ce qui donne un aspect vivant à son travail.



Ce livre nous conduit pas à pas vers cette acceptation et nous explique "comment chacun de nous peut passer de l’individu qui vit enfermé dans son monde à la personne qui sait entrer en relation et s’ouvrir à ce qui l’entoure. Tout en présentant des points communs avec une psychothérapie, ce processus, par ses spécificités, prépare en profondeur une révolution bien plus radicale : dans la voie de Swâmi Prajnânpad, alors que tant de soin est pris à redresser l’ego, simultanément, on le mine dans ses fondements en dévoilant ses prétentions et ses stratégies. Ce château de cartes bâti depuis l’enfance, j’ai découvert qu’il ne reposait sur aucune fondation solide. Il n’est qu’inconsistance et précarité, du vent ! La perspective est bouleversée. Moi qui croyais, à travers cette démarche, que j’allais enfin devenir quelqu’un (de remarquable, bien sûr !), j’ai découvert avec stupeur qu’il n’y a personne…"



Terminons avec François Cheng et la beauté :
"L'instant exige de nous que nous soyons dans une posture d'accueil et d'attente non seulement pour accueillir ce qui advient comme beauté mais aussi pour entendre cette basse continue qui résonne en nous-mêmes." François Cheng

dimanche 27 octobre 2019

Sur l'aile d'un papillon

Ce conte-ci vient de Chine, il nous est conté par Henri Gougaud. Il pourrait provenir de bien des endroits, car il nous retrace le cheminement de l'ego, qui se croit tout puissant au point de vouloir faire le bien des autres malgré eux. Heureusement, nous sommes capables de comprendre et d'apprendre, comme Cheng.



"Million de vivants, million de soleils sur le vaste océan, reflets de l'astre unique."
A l'ombre du vieux saule au bord de l'étang, Cheng lève son pinceau en poils de lièvre et contemple le bref poème qu'il vient de calligraphier sur une pierre plate, après un long temps de méditation. Un oiseau effleure l'eau dormante et va se perdre dans le ciel limpide. Cheng, les yeux mi-clos, se laisse aller à la rêverie. Un rayon de lumière danse sur son crane rasé, un papillon se pose dans un pli de sa robe. Il ouvre un œil, observe les ailes multicolores déployées devant lui. Parmi les nervures fragiles, il découvre des chemins, des villes, des forêts, des paysans à leur charrue, des barques sur la mer, des palais impériaux. Bientôt ces images s'ordonnent, semblables à celles que forment parfois les nuées. Un visage humain apparaît, un visage d'homme mort et pourtant illuminé de malice innocente. Alors Cheng sourit et murmure :
_ Enfin, Lao, vieux camarade, nous voilà réconciliés.




Cet homme nommé Lao, dont la figure est inscrite sur l'aile du papillon, fut autrefois un paysan que la misère persécuta au point de le rendre fou. S'éveillant, un matin apparemment semblable à tous les matins de sa vie, il appela ses domestiques d'une voix sonore. Or, de sa triste existence, nul ne l'avait servi, ni homme, ni femme, ni chien. Son fils, contemplant son visage emprunt d'une majesté dérisoire, comprit que Lao n'était pas sorti du rêve qui venait de visiter son sommeil. Il le secoua sans tendresse, mais ne parvint pas à le faire rentrer dans le monde solide. Le pauvre homme, dans un coin puant de sa masure, frotta son corps de parfums imaginaires, puis une invisible servante l'enveloppa dans d'impalpables serviettes. Après quoi il sortit au soleil, s'assit à l'ombre du tilleul sur la place du village et convoqua le peuple. Les villageois accoururent et s'amusèrent de lui. Il écouta les quolibets et les insultes de l'air compassé d'un seigneur accablé de flatteries, puis caressant son ventre creux, il rota comme un mandarin pansu et ordonna que lui soit servi son ordinaire festin matinal. On lui jeta des touffes d'herbe et des épluchures moisies. Il les dégusta sans la moindre répugnance et se lécha les doigts en demandant que l'on complimente de sa part les cuisiniers. Les gens, bientôt lassés de le railler, s'accoutumèrent à sa folie. Ainsi Lao s'installa dans une opulence fictive et, une année entière, vécut déraisonnable, et heureux.




C'est alors que Cheng, fatigué de la ville et de ses fastes, décida d'aller vivre quelques semaines méditatives dans le village de celui qu'on appelait, désormais, le Simple. Cheng était en ce temps-là le plus fameux médecin de l'empire. Dès qu'il vit Lao errant joyeusement dans les labyrinthes de sa citadelle intérieure, il fut pris d'un violent désir d'exercer sur lui son art. Non point par générosité, ni par goût des honneurs. Seule l'éperonnait une intime et dévorante ambition : vaincre le dragon de la démence.
Armé de son indiscutable génie, il pénétra donc dans l'esprit de Lao le Simple et livra bataille, sept jours durant. Au matin du huitième jour, l'idiot se réveilla lucide. Dépouillé de sa bienheureuse folie, il palpa son corps efflanqué, frotta ses yeux et pleura sur sa misère retrouvée. Il demanda quel péché il avait commis pour être ainsi retenu en enfer, après un an de paradis. Cheng lui répondit :
_ Mon ami, ton désespoir me réjouit car il est le signe de ta guérison. mon oeuvre est accomplie. Permets donc que je me retire.
Lao le retint par la manche de sa robe et gémit :
_ Homme cynique, regarde mes haillons crasseux, regarde mon corps délabré, mes côtes saillantes, ma face creuse. comment oses-tu prétendre que tu m'as rendu la santé ?
_ Il est vrai, lui répondit Cheng, que tu es fort maigre et mal vêtu. je te conseille donc de t'habiller de laine et de manger raisonnablement, deux fois par jour. Si tu n'as pas d'argent pour payer ces élémentaires remèdes, je ne peux rien pour toi. Je soigne le corps des hommes, point les tares sociales. Adieu.
Cheng s'en alla, content de lui. Alors Lao demeuré seul désespéra si fort qu'il se pendit au faîte de sa hutte.



Le lendemain, son fils porta plainte devant le juge du district. Le docteur Cheng, selon le jeune homme en deuil, avait imprudemment empoisonné l'âme de son père et s'en était allé sans se soucier des dégâts qu'il avait provoqués. Les villageois interrogés abondèrent en ce sens : Cheng avait brisé la sérénité du Simple. Cheng devait être puni. Le juge convoqua l'intraitable docteur, qui plaida sa cause avec simplicité.
_ Mon art guérir les fous, dit-il. Il est donc bienfaisant. Je n'ai fait que rendre à Lao son esprit perdu, car son bonheur était illusoire.
_ Tous les bonheurs ne le sont-ils pas ? répliqua le juge. Et toi-même, Cheng , qui as précipité dans les ténèbres de la mort ce paysan misérable pour l'orgueilleux plaisir de le délivrer d'une illusion, n'es-tu pas fou ?
Cheng ne répondit pas.  Alors le juge édicta sa sentence :
_ Homme savant mais peu sage, tu vivras désormais solitaire, et pour ne pas être tenté de te perdre dans ta propre folie tu briseras tes miroirs. Nous souhaitons que Lao le Simple un jour te pardonne. Va, et que ta présence ne souille plus notre regard.



Aujourd'hui, vingt ans sont passés, peut-être davantage.
Cheng n'est plus assez déraisonnable pour compter les jours, car les mêmes reviennent sans cesse sous des oripeaux différents, selon les saisons et le caprice des nuées. Cheng est sorti de sa gangue d'orgueil. Il sait maintenant que tout est illusion. Il laisse errer son regard sur son poème. "Million de vivants, million de soleils sur le vaste océan, reflets de l'astre unique." Il prend la pierre plate sur laquelle sont inscrits ces mots et la jette à l'eau. Le miroir de l'étang se brise dans lequel il s'est un instant contemplé, le papillon s'envole et l'homme sage s'endort à l'ombre du saule que berce le vent.



dimanche 20 octobre 2019

Devenir soi


Nous parlions la semaine dernière de ce désir de changement de vie qui peut nous prendre à certains âges de la vie.
Ce processus d'évolution a très bien été défini par C. G. Jung avec ce qu'il appelle le processus d'individuation.




Ce processus se vit en étapes :

"Les étapes du processus d’individuation peuvent donner sens à notre besoin de changement et nous permettre de l’accueillir avec davantage de confiance.

1. La phase d’accommodation. Elle correspond à l’enfance et aux premiers temps de notre vie d’adulte, lorsque nous apprenons à obtenir une sécurité affective en réglant nos comportements en fonction de ce qui est attendu de nous. Cette tendance nous conduit à adopter un personnage qui ne reflète pas la totalité de notre être.

2. La prise de conscience. Avec l’âge, ce personnage commence à nous étouffer. Nous avons le sentiment de nous être perdus en route, parfois d’avoir été bernés, ou encore d’être un imposteur. Ce que Carl Gustav Jung appelle notre « ombre » – ce qui sommeille en nous et que nous n’avons pas encore choisi d’être – se rappelle par vagues de nostalgie.

3. Le face-à-face. C’est le temps du doute. Nous commençons à réévaluer les fondements de notre existence, jusqu’à remettre tout en question. Nous vivons une tristesse qui s’apparente à un deuil : nous croyons pleurer notre jeunesse, nous pleurons le personnage que nous avons été. Celui-ci se fissure et laisse émerger le refoulé, dans ses aspects positifs et négatifs. La colère, les dérapages sont au rendez-vous.

4. Le début de l’intégration. L’incertitude et la confusion perdent du terrain. Les ajustements progressifs vont dans le sens d’une plus grande cohérence. La quête d’approbation a cédé le pas au désir de ne plus se trahir. C’est le moment où nous pouvons choisir de réorganiser nos priorités, trouver le moyen d’exprimer nos potentiels. Ces transformations positives s’accompagnent de heurts relationnels.

5. L’individuation. C’est, dans l’idéal, le moment où l’on devient un individu complet, doté d’une meilleure connaissance de soi. Nous accueillons avec plus de souplesse nos qualités et nos défauts, nos désirs contradictoires, nos conflits intérieurs. Et accédons à l’intégrité : la capacité à nous voir tels que nous sommes en tant qu’individus, mais aussi membres de la communauté humaine, reliés au vivant et à l’ensemble de l’univers."
(Texte extrait d'un article de Psychologies magazine)




Mais revenons à la définition de l'individuation, chère à Jung :


"L’individuation jungienne est la forme que prend le développement personnel dans le cadre de la psychologie des profondeurs. Dans son récit autobiographique, Ma vie, écrit avec l’aide d’Aniéla Jaffé, Carl Gustav Jung précise : « J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par lequel un être devient un individu psychologique, c'est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité. » Dans un autre ouvrage,  Dialectique du moi et de l’inconscient,  le psychologue de Zurich  nous donne d’autres éléments de compréhension : « La voie de l’individuation signifie tendre à devenir un être réellement individuel, et dans la mesure où nous entendons par individualité la forme de notre unicité la plus intime, notre unicité dernière et irrévocable, il s’agit de la réalisation de son Soi dans ce qu’il a de plus personnel et de plus rebelle à toute comparaison. On pourrait donc traduire le mot d’individuation par « réalisation de soi-même », réalisation de son Soi ».
La réalisation de Soi (on notera la majuscule), constitue donc pour  Carl Gustav Jung, le défi majeur de l’individuation. De quoi s’agit-il ? Le Soi est un archétype, un pôle vers lequel il faut tendre, une réalité subtile qu’il nous faut incarner, réaliser. Dans son achèvement, il est une totalité.
C’est en réalisant notre Soi que nous parvenons à la totalité de ce que nous sommes, autrement dit à notre unité. Ce qui est contesté en filigrane par la psychologie des profondeurs, c’est cette civilisation qui fragmente la personne humaine, la disperse, la disloque. Le rétablissement des liens est au cœur de l’individuation : lien entre la conscience et l’inconscient ( que celui-ci soit personnel ou collectif), entre notre masculin et notre féminin ( la fameuse dialectique de l’anima et de l’animus), entre nos quatre grandes facultés ( pensée, intuition, sentiment et sensation), entre notre corps et notre âme.
Il va de soi que les notions de conscience, de conscient et d’inconscient, sont des notions fluides et dynamiques, non des substances au sens philosophique. L’individuation ne peut donc  en aucun cas être considérée comme un état auquel on parvient. Les expériences de vie font que l’individuation est un processus sans fin. Il n’y a pas d’état de la totalité, car elle se donne à nous comme une figure fugitive, une trace, une empreinte à suivre. Mais il me semble que ce processus d’individuation, tel que Jung le définit, résume parfaitement le but recherché par toutes les pratiques de développement personnel : permettre à l’individu d’être de plus en plus lui-même."
Frédéric Lenoir ( La guérison du monde)





"Le travail d'être individué, pour Jung, c’est être un individu à part entière,  un individu qui connait conscient et inconscient,  un individu qui va pouvoir garder une position éthique personnelle face aux mouvements de l’inconscient, de la foule, face à l’agitation générale. 
 Etre individué, c’est être clair, conscient de ce qui est en train de se passer et donc  responsable de sa position, au moins individuelle, par rapport au collectif. Le but n’est donc pas d’être centré sur soi mais d’être centré sur le Soi. La notion du Soi (ou du sujet si l’on est plus lacanien), c’est la globalité entre conscient et inconscient, la conscience de ce que je suis moi en tant que personnalité et de comment ce moi est pris dans quelque chose de beaucoup plus vaste. Nous sommes quelque part entre conscient et inconscient, dans ce lien établi par le Soi."  Sylvie Lafuente Sampietro




Comme nous l'avons déjà évoqué, c'est ce processus qui est au cœur de l'enseignement de l'astrologie humaniste. 

Si je veux aller vers la "sagesse" selon le processus d'individuation, je dois me demander pour chaque action : est-ce que cela a du sens pour moi ? Est-ce que cela correspond à mon éthique ? Alors, si je réponds oui, j'ai la liberté d'agir.
Mais pour y parvenir, il faut un déconditionnement social, il faut avoir son propre conditionnement.
Ce type de sagesse est tout sauf tranquille, cela comporte des dangers mais elle ouvre un espace vers le ciel intérieur.



dimanche 13 octobre 2019

Changer





Ces derniers temps, j'entends beaucoup parler de personnes qui ont changé de vie, tout quitté pour un autre horizon, pris une autre activité, laissé derrière elles la ville, changé d'objectifs.
Des gens qui souvent ont commencé par une vie sociale conforme à ce que demande notre société, de bonnes études, puis un travail reconnu, dans le commerce, la finance, l'édition...Et petit à petit ou soudainement, leur vie leur est apparue sous un nouveau jour : quel est le sens de ma vie, que fais-je ici ? Cela correspond-il à ce que je voudrais vivre ?
La réponse peut être difficile à admettre, mais souvent, elle finit par les conduire à tout changer.
Terminé, le travail sans joie, terminée la vie trépidante où l'on cherche toujours plus, terminée l'illusion que l'on fait quelque chose d'utile à la société.

« Changer n’est pas devenir quelqu’un d’autre, c’est devenir qui on est et l’accepter. »
Jacques Salomé

Alors, il faut oser : oser imaginer que l'on peut changer, oser écouter ses rêves et se dire que l'on peut les réaliser. Avoir un nouveau projet de vie et y croire.

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »
Sénèque
Ne pas regretter, avancer et y aller. Cela peut être simple, tout quitter et partir ou cela peut nécessiter de la préparation. Il ne faut pas lâcher.

« Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas pour se battre contre l’ancien. »
Dan Millman




Ce n'est pas tous les jours facile et les moments de doute et de découragement peuvent jalonner le chemin mais se sentir enfin vivant en sera la récompense.
« Vous êtes maître de votre vie et qu’importe votre prison, vous en avez les clés. »
Dalaï Lama

Je viens de lire le livre d'une jeune femme qui a fait ce chemin, Anaïs Vanel. Elle travaillait dans l'édition à Paris et elle est partie, au bord de la mer, pour faire du surf.
Son livre est fait de pensées, de moments de vie, de descriptions de sa nouvelle vie. On comprend qu'elle s'y est reconnectée à elle-même et qu'elle est maintenant sur sa voie, devenir écrivain et vivre au bord de la mer, près des vagues.




"Les matins parisiens me semblent très lointains. Ici, je redécouvre la joie de célébrer les actes qui nous maintiennent en vie. Ceux qu'on accomplit parfois sans y accorder toute son attention. Respirer, boire un grand verre d'eau fraîche. Choisir des légumes. Des fruits. Petit à petit, mon chez-soi s'élargit."
"On nous apprend à avoir  de bonnes notes, à choisir une voie, un métier. A faire des concessions. Mais jamais à choisir un endroit où on se sentirait bien. Vivre dans un endroit où on se sent vivant, c'est créer un environnement propice à faire émerger nos passions profondes. C'est choisir de s'implanter sur un terreau fertile pour y laisser pousser nos rêves."
"C'est étonnant de voir comment les gens qui sont nés ici vivent plus naturellement,. C'est peut-être ce qu'il faudrait réussir à faire. C'est-à-dire ne pas se féliciter de ses choix, et juste être là, simplement."  



                                                                                                                                                            
Un très joli livre qui m'a rappelé ce que dit Patrick Viveret sur notre société  :
"Nos sociétés sont malades dans leur rapport à la nature, elles sont malades dans leur rapport à la vie et au temps de la vie, elles sont dans la course alors qu’il est urgent de se poser, de ralentir, de s’interroger sur le devenir de la terre, du frater qui signifie notre famille humaine. Il est urgent de remplacer notre rapport au travail et à l’emploi par un rapport à ce que Hannah Arendt a défini comme une logique de l’œuvre, celle qui nous permet d’accomplir nos projets de vie, ce qui est aussi le sens initial du terme « métier »".
Patrick Viveret                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            


dimanche 6 octobre 2019

Beauté universelle





Retrouvons la beauté avec François Cheng. Avec lui, elle prend corps et devient notre compagne :

"Dans la vie, il y a des scènes qui exaltent, comme le combat, l’entrechoquement des corps par exemple, mais l’état suprême de la beauté, c’est l’harmonie. Il s’agit de la qualité éthique de la beauté. Cette beauté éthique permet à l’homme de conserver sa dignité, sa générosité et sa noblesse d’âme. Ces qualités nous permettent de transcender notre condition humaine, de dépasser la douleur pour atteindre l’harmonie. La beauté nous transfigure, car elle nous sort de l’habitude, nous permet de revoir les choses qui nous entourent comme au matin du monde, comme pour la première fois. En sortant dans la rue, vous voyez cet arbre en fleur, et l’univers vous apparaît comme au matin du monde. Comme Prévert qui, dans un poème (Voyages, in Histoires, Gallimard, Folio, 1972), raconte qu’il voit sa femme de loin dans un bus, sans d’abord la reconnaître, comme s’il la voyait pour la première fois. Seule la beauté est capable de nous donner cet étonnement, cet émerveillement de la première fois."



Le voilà, ce poème de Prévert :



Voyages

Moi aussi


comme les peintres


j’ai mes modèles


Un jour
et c’est déjà hier
sur la plate-forme de l’autobus
je regardais les femmes
qui descendaient la rue d’Amsterdam
Soudain à travers la vitre du bus
j’en découvris une
que je n’avais pas vue monter
Assise et seule elle semblait sourire
À l’instant même elle me plut énormément
mais au même instant
je m’aperçus que c’était la mienne
J’étais content.


© Jacques Prévert (1963) : Histoires, Gallimard


Et revenons à François Cheng qui nous explique que nous côtoyons la beauté en permanence. Savons-nous la voir ?

Nous ne sommes pas tous artistes ; mais tous nous avons part à la beauté. En réalité, nous sommes tous plus ou moins artistes. Le simple fait de vivre suppose un certain art de vivre. Nous savons par exemple disposer des fleurs pour égayer notre demeure, dresser l’oreille pour écouter un chant d’oiseau, jouir d’un jardin au printemps ou du coucher du soleil sur la mer. Tout cela est bien. Toutefois, si nous voulons dépasser les clichés, dépasser l’habitude de réserver la beauté à seulement quelques moments privilégiés, nous devons apprendre à habiter poétiquement la terre comme l’a proposé le poète Hölderlin. Car la beauté, ce don qui nous est offert sans réserve, est omniprésente. Il faut savoir en capter les plus humbles manifestations. Ces fleurs anonymes qui poussent dans les fentes d’un trottoir, ce rayon de soleil qui soudain fait chanter un vieux mur, ce cheval pensif au milieu d’un pré après la pluie, cet enfant qui offre un caillou coloré à un vieillard sur son banc, ces fragrances et saveurs que la mémoire réveille…!
François Cheng

"C'est bien grâce à la beauté qu'en dépit de nos conditions tragiques nous nous attachons à la vie. Tant qu'il y aura une aurore qui annonce le jour, un oiseau qui se gonfle de chant, une fleur qui embaume l'air, un visage qui nous émeut, une main qui esquisse un geste de tendresse, nous nous attarderons sur cette terre si souvent dévastée".
François Cheng (Œil ouvert et cœur battant).