dimanche 6 novembre 2011

Voir et être




Dans son livre : Le dialogue, François Cheng nous fait partager son expérience des deux cultures qui ont forgé sa personnalité, la culture française et la culture chinoise.
Et le passage ci-dessous fut pour moi d'une grande aide. Il nous parle à la fois  de la force du Verbe, du chemin de la connaissance, et au final, du sens de la vie :


"Qing-deng fixe de manière abrupte, les trois étapes de la perception et de la connaissance :
Voir la montagne
Ne plus voir la montagne
Re-voir la montagne.

La première étape indique l'état ordinaire dans lequel la montagne s'offre à notre vue sous son aspect extérieur auquel on s'habitue, sans se demander d'où vient le mystère de sa présence, quelle richesse nous pouvons tirer d'un lien secret avec elle. La deuxième étape est l'état d'obscurité, voire d'aveuglement dans lequel on se trouve; on est contraint d'exercer le troisième oeil, qui apprend à voir la présence de l'autre de l'intérieur, d'assister à ce par quoi l'autre advient, et, du coup, à voir ce par quoi soi-même advient. Parvenu à la troisième étape, le sujet ne se trouve plus dans une position de vis-à-vis par rapport à l'objet, il se laisse pénétrer par l'autre en sorte que sujet et objet sont dans un devenir réciproque, un va-et-vient de présence à présence. Le revoir est une illumination qui rappelle que le propos de la vraie vie n'est pas la domination mais la communion. tout se passe comme si l'être n'était pas perçu comme une donnée légitime, un dû; il faut connaître une sorte d'effacement originel avant d'accéder à l'être, au voir, au pouvoir de chanter."
François Cheng (Le dialogue, Desclées de Brouwer)



Et pour continuer avec le verbe voir, une autre artiste, française ayant appris durant 10 ans la calligraphie auprès des maîtres chinois, et dont le parcours est une aventure tout aussi étonnante, nous livre également un peu de sa sagesse  :
"Après toutes ces années de pratique, la peinture me permet aujourd'hui d'exprimer cette voie intérieure qui n'est ni orientale, ni occidentale mais humaine et universelle; Maître Huang me disait : "Il faut essayer de pénétrer l'ordre secret des choses et de prendre modèle sur la nature du ciel. C'est un modèle de grandeur, de vide et un générateur d'absolu. Ce n'est qu'en suivant sa voie que l'on peut s'approcher de l'Etre."
"Pour moi, la beauté se trouve aussi bien à la cime d'une montagne, sur une tige de rhubarbe ou un navet de potager ! Au gré du souffle du pinceau, je vais donc m'attacher à explorer le mystère végétal, le génie propre à chaque être :  la pudeur discrète d'un brin d'herbe, l'intimité partagée de deux bourgeons en conversation, l'humeur impétueuse d'un bois mort. Rien à voir avec le "naturalisme", mais une tentative, une traduction visible de l'ossature cachée des choses. Goûter à l'émerveillement de ce qui est, de ce qui devient, comprendre les forces qui façonnent..."






A lire : Passagère du silence de Fabienne Verdier qui raconte son parcours, magnifique.
et Dialogue de François Cheng, ainsi que ses romans : Le dit du Tianyi et L'éternité n'est pas de trop.
Ces artistes sont des passeurs entre la culture chinoise et la culture française.
Les images, hormis la couverture du Dialogue, sont des reproductions de calligraphies de Fabienne Verdier.

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