dimanche 13 septembre 2020

Méditer sans se prendre la tête

Dans le nouveau livre d'Emmanuel Carrère, dans lequel je me suis lancée, j'en suis à la moitié, il parle beaucoup de méditation, yoga et taï-chi. C'est le début du livre. Par la suite, il nous raconte sa dépression et sans doute bien d'autres choses mais je n'en suis pas encore là.


Il essaie de nous donner une définition de la méditation ( en fait, il en donne au moins une dizaine dans le livre). J'aime beaucoup celle-ci parce qu'elle parle de ce que nous avons tous vécu en débutant la méditation et sans doute par la suite, pour ceux d'entre nous qui continuent dans cette voie.

La voici donc, dans le style simple et fluide d'Emmanuel Carrère, que j'aimerais tant pouvoir trouver pour mon écriture :

" La méditation, c'est tout ce qui se passe en soi pendant le temps où on est assis, immobile, silencieux. L'ennui c'est la méditation. Les douleurs au dos, aux genoux, à la nuque, c'est la méditation. Le gargouillis dans le ventre, c'est la méditation. L'impression de faire un truc de spiritualité bidon, c'est la méditation. Le coup de téléphone qu'on prépare mentalement et l'envie de se lever pour le passer, c'est la méditation. La résistance à cette envie, c'est la méditation _ mais pas y céder, quand-même. C'est tout. Rien de plus. Tout ce qui est en plus est en trop. si on fait cela régulièrement dix minutes, vingt minutes, une demi-heure par jour, alors ce qui se passe pendant ce temps où on reste assis, immobile et silencieux, change. La posture change. La respiration change. Les pensées changent. Tout cela change parce que tout change, de toute façon, mais tout cela change aussi parce qu'on l'observe. On en fait rien en méditation, on ne doit surtout rien faire, sauf observer. On observe l'apparition des pensées, des émotions, des sensations dans le champ de la conscience. On observe leur disparition. On observe leurs pilotis, leurs points d'appui, leurs lignes de fuite. On observe leur passage. On n'y adhère pas, on ne les repousse pas. On suit le courant sans se laisser emporter. A force de faire ça, c'est la vie même qui change. On ne s'en rend pas compte d'abord. On a la vague impression d'être au bord de quelque chose. Petit à petit ça se précise. On se décolle un peu, un tout petit peu, de ce qu'on appelle soi. Un tout petit peu, c'est déjà beaucoup. C'est déjà énorme. Ça vaut la peine. C'est un voyage. Au début de ce voyage, dit un poème zen, la montagne au loin a l'air d'être une montagne. Au fil du voyage, la montagne ne cesse de changer d'aspect. On ne la reconnait plus, c'est toute une fantasmagorie qui remplace la montagne, on ne sait plus du tout vers quoi on s'achemine. A la fin du voyage, c'est de nouveau la montagne, mais ça n'a rien à voir avec ce qu'on apercevait de loin  il y a longtemps, quand on s'est mis en route. C'est vraiment la montagne. On la voit enfin. On est arrivé. On y est.

On y est."

Emmanuel Carrère (Yoga)



Toutes ses définitions sont intéressantes, il nous les livre au fur et à mesure des expériences vécues dans le livre. Ce que j'aime, ce sont les doutes exprimés sur toutes ces disciplines de développement personnel. Ils sont tellement vivifiants !



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