lundi 13 juin 2022

La fin d'un chat

 


J'ai retrouvé ce poème de Joachim du Bellay en épitaphe à son chat Belaud : j'aime beaucoup cette écriture imagée où l'on sent bien la tristesse du maître pour la perte de l'animal qui a partagé sa vie. Il nous parle depuis le XVIe siècle et nous sommes toujours sensibles à la disparition de son petit compagnon.

Épitaphe d’un chat de Joachim du Bellay


[...] J’ai perdu depuis trois jours
Mon bien, mon plaisir, mes amours.
Et quoi ? [...]
C’est Belaud mon petit Chat gris :
Belaud, qui fut par aventure
Le plus bel œuvre que Nature
Fit jamais en matière de Chats :
C’était Belaud la mort aux Rats,
Belaud, dont la beauté fut telle,
Qu’elle est digne d’être immortelle.


Petit museau, petites dents ;
Yeux qui n’étaient point trop ardents ;
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu’on voit en cet arc pluvieux,
Qui se courbe au travers des Cieux ;
La tête à la taille pareille,
Le col grasset, courte l’oreille,
Et dessous un nez ébénin,
Un petit mufle léonin,
Autour duquel était plantée
Une barbelette argentée,
Armant d’un petit poil folet
Son musequin damoiselet ;

Tel fut Belaud, la gente bête,
Qui des pieds jusques à la tête,
De telle beauté fut pourvu,
Que son pareil on n’a point vu.
Ô quel malheur ! ô quelle perte,
Qui ne peut être recouverte !
Ô quel deuil mon âme en reçoit !



Mon Dieu ! quel passe-temps c’était
Quand ce Belaud virevoltait,
Folâtre autour d’une pelote !
Quel plaisir, quand sa tête sotte
Suivant sa queue en mille tours,
D’un rouet imitait le cours !
Ou quand, assis sur le derrière
Semblait, tant sa trogne était bonne,
Quelque Docteur de la Sorbonne !
[...]

Joachim Du Bellay

Ce poème est très long, je vous ai mis quelques extraits. 



Et puisque je parle de chats, je ne résiste pas au plaisir de retranscrire les vers de Baudelaire, tellement magnifiques :


Les chats de Charles Baudelaire

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté,
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal


Le tout est illustré par le magnifique zodiaque des chats de Myrrha.

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