Les oiseaux chantent à nouveau dans le jardin. Et je lève les yeux de mon ouvrage pour les observer. C'est toujours un moment suspendu : je cherche leur nom puis les observe avec attention. Les oiseaux m'obligent à revenir à l'instant présent et à la vie.
Christian Bobin, lui, lève souvent la tête et se fait happer par le spectacle d'un oiseau, mais c'est souvent pour l'intégrer à sa poésie, pour en faire un personnage de son histoire. Il raconte, dans une de ses chroniques dont il a le secret sa lecture d'un vieux livre du XVIIe siècle, interrompue par cette apparition :
"Au milieu de ma lecture, je lève la tête vers le jardin à l'instant où un geai au bleu secret se pose sur une branche du chêne - autre scène de visitation. Les geais sont les oiseaux les plus éveillés de la forêt. Leurs cris préviennent les autres bêtes de l'approche d'un intrus. Une légende dit que ces cris intempestifs ont guidé les soldats romains vers le Christ au mont des oliviers. La légende est mauvaise fille : il n'y a que merveilles dans ces porteurs de bleu. Laissant souvent tomber de leurs becs les grains dont ils se nourrissent, ils ont ensemencé la France de féeriques forêts de chênes."
Hier, j'ai observé un long moment huit tourterelles perchées sur le toit d'un immeuble, non loin de chez moi. Je me suis demandé ce qu'elles faisaient, étaient-elles en train de former des couples ? Et je suis tombée par hasard un peu plus tard sur un autre moment suspendu de Chritian Bobin :
"Ce matin, j'ai vu six tourterelles perchées sur le tilleul, et la chance a voulu que cette scène soit découpée par les montants de la fenêtre. Elles étaient comme illuminées de silence. Chacune était sur sa branche avec autour du cou comme un demi-collier noir, à la fois très chic et très sobre. Chacune regardait dans la même direction et paraissait attendre quelque chose, et cela abolissait la distance entre le jour et la nuit. Elles étaient comme les gens d'un village qui seraient sortis sur le pas de leur porte pour attendre le passage d'un cortège princier. J'étais le septième là-dedans. Nous étions sollicités par la même claire et petite énigme. Nous attendions quelque chose qu'on aurait dû nous annoncer, d'à la fois inhabituel et de rare. J'ai senti que l'arbre lui-même était pris dans la même attente. Je n'avais jamais assisté à quelque chose de cet ordre-là. Evidemment, dans le visible, il ne s'est rien passé, aucun cortège n'est arrivé, mais j'en ai éprouvé une paix inimaginable."
Toutes ces aventures d'oiseaux m'ont rappelé cette phrase de Marguerite Yourcenar, qui prend tout son sens pour moi en alliant les oiseaux aux étoiles :
"Quand tous les calculs s'avèrent faux, quand les philosophes eux-mêmes n'ont plus rien à nous dire, il est excusable de se tourner vers le babillage fortuit des oiseaux, ou vers le lointain contrepoids des astres." Marguerite Yourcenar (Mémoires d'Hadrien)
Christian Bobin, lui, lève souvent la tête et se fait happer par le spectacle d'un oiseau, mais c'est souvent pour l'intégrer à sa poésie, pour en faire un personnage de son histoire. Il raconte, dans une de ses chroniques dont il a le secret sa lecture d'un vieux livre du XVIIe siècle, interrompue par cette apparition :
"Au milieu de ma lecture, je lève la tête vers le jardin à l'instant où un geai au bleu secret se pose sur une branche du chêne - autre scène de visitation. Les geais sont les oiseaux les plus éveillés de la forêt. Leurs cris préviennent les autres bêtes de l'approche d'un intrus. Une légende dit que ces cris intempestifs ont guidé les soldats romains vers le Christ au mont des oliviers. La légende est mauvaise fille : il n'y a que merveilles dans ces porteurs de bleu. Laissant souvent tomber de leurs becs les grains dont ils se nourrissent, ils ont ensemencé la France de féeriques forêts de chênes."
Hier, j'ai observé un long moment huit tourterelles perchées sur le toit d'un immeuble, non loin de chez moi. Je me suis demandé ce qu'elles faisaient, étaient-elles en train de former des couples ? Et je suis tombée par hasard un peu plus tard sur un autre moment suspendu de Chritian Bobin :
"Ce matin, j'ai vu six tourterelles perchées sur le tilleul, et la chance a voulu que cette scène soit découpée par les montants de la fenêtre. Elles étaient comme illuminées de silence. Chacune était sur sa branche avec autour du cou comme un demi-collier noir, à la fois très chic et très sobre. Chacune regardait dans la même direction et paraissait attendre quelque chose, et cela abolissait la distance entre le jour et la nuit. Elles étaient comme les gens d'un village qui seraient sortis sur le pas de leur porte pour attendre le passage d'un cortège princier. J'étais le septième là-dedans. Nous étions sollicités par la même claire et petite énigme. Nous attendions quelque chose qu'on aurait dû nous annoncer, d'à la fois inhabituel et de rare. J'ai senti que l'arbre lui-même était pris dans la même attente. Je n'avais jamais assisté à quelque chose de cet ordre-là. Evidemment, dans le visible, il ne s'est rien passé, aucun cortège n'est arrivé, mais j'en ai éprouvé une paix inimaginable."
Toutes ces aventures d'oiseaux m'ont rappelé cette phrase de Marguerite Yourcenar, qui prend tout son sens pour moi en alliant les oiseaux aux étoiles :
"Quand tous les calculs s'avèrent faux, quand les philosophes eux-mêmes n'ont plus rien à nous dire, il est excusable de se tourner vers le babillage fortuit des oiseaux, ou vers le lointain contrepoids des astres." Marguerite Yourcenar (Mémoires d'Hadrien)
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