Un nouveau livre de François Cheng (Enfin le royaume), c'est toujours des moments de bonheur assurés. Avant de partir à sa découverte, je reviens sur son dernier livre : "De l'âme" pour redécouvrir certains passages qui m'ont fait vibrer.
Nous voici au lever du jour, au sommet de la montagne :
"Personnellement, si je suis fidèle au rendez-vous du couchant sur la mer, ou sur le fleuve, je ne me lasse pas de l'apparition du grand astre au sommet d'une montagne. La première fois, ce fut sur un vieux mont situé au sud de la Chine. Après une journée de pénible ascension, nous nous approchons de la cime noyée dans les nuages, nous pénétrons dans la solennité de grands conifères multicentenaires dont la senteur résineuse nous enivre, nous fait communier avec l'univers le plus archaïque -sentiment d'originel. Accueillis par des moines dans un temple, nous nous délestons de tout. La nuit est déjà tombée. Une ablution à même la cascade, un repas frugal, nous nous abandonnons à un sommeil bercé par les clochettes suspendues au coin de l'auvent. A cinq heures, nous grimpons jusqu'à une terrasse haut perchée, formée opportunément par de gros rochers plats. Les uns debout, d'autres assis, riant, bavardant, nous sommes une trentaine à attendre là, dans le noir épais que traversent de temps à autre des oiseaux de nuit lourds de pressentiments. Plus loin, on devine une rangée de montagnes faisant un rempart qui sépare "ce côté-ci et l'au-delà". Brusque silence quand un trait de lueur traverse l'horizon - coup de gong nous frappant au cœur, coup d'épée déchirant les ténèbres. La lumière fait signe, la vie s'annonce, plus rien ne peut l'en empêcher. Pathétique mais sûr, centimètre par centimètre, le disque lumineux émerge des ombres. Happés par le sacré, les yeux inondés de larmes, nous nous taisons, jusqu'à ce que l'astre s'offre de toute sa rondeur, indéniable, aussi impérieux qu'irrésistible. C'est alors que nous explosons en applaudissements, en hourras comme pour faire chorus avec les nuages qui s'embrasent, resplendissent de tous les coloris dont l'univers est capable."
"On a beau te répéter que l'univers existe depuis des milliards d'années, toi tu es là pour la première fois. tu vois le ciel se lever et éclairer le monde comme si tu assistais à son avènement. L'univers advient à mesure que tu adviens. Cet instant de rencontre donne sens à toi comme à l'univers - instant rejoignant l'éternité, instant d'éternité."
Bien d'autre passages auraient pu retenir mon attention aujourd'hui, mais je crois que le printemps qui s'annonce et les signes de la nature en ce mois de février ont formé un écho à ce lever du jour si vivant de François Cheng.
Nous voici au lever du jour, au sommet de la montagne :
"Personnellement, si je suis fidèle au rendez-vous du couchant sur la mer, ou sur le fleuve, je ne me lasse pas de l'apparition du grand astre au sommet d'une montagne. La première fois, ce fut sur un vieux mont situé au sud de la Chine. Après une journée de pénible ascension, nous nous approchons de la cime noyée dans les nuages, nous pénétrons dans la solennité de grands conifères multicentenaires dont la senteur résineuse nous enivre, nous fait communier avec l'univers le plus archaïque -sentiment d'originel. Accueillis par des moines dans un temple, nous nous délestons de tout. La nuit est déjà tombée. Une ablution à même la cascade, un repas frugal, nous nous abandonnons à un sommeil bercé par les clochettes suspendues au coin de l'auvent. A cinq heures, nous grimpons jusqu'à une terrasse haut perchée, formée opportunément par de gros rochers plats. Les uns debout, d'autres assis, riant, bavardant, nous sommes une trentaine à attendre là, dans le noir épais que traversent de temps à autre des oiseaux de nuit lourds de pressentiments. Plus loin, on devine une rangée de montagnes faisant un rempart qui sépare "ce côté-ci et l'au-delà". Brusque silence quand un trait de lueur traverse l'horizon - coup de gong nous frappant au cœur, coup d'épée déchirant les ténèbres. La lumière fait signe, la vie s'annonce, plus rien ne peut l'en empêcher. Pathétique mais sûr, centimètre par centimètre, le disque lumineux émerge des ombres. Happés par le sacré, les yeux inondés de larmes, nous nous taisons, jusqu'à ce que l'astre s'offre de toute sa rondeur, indéniable, aussi impérieux qu'irrésistible. C'est alors que nous explosons en applaudissements, en hourras comme pour faire chorus avec les nuages qui s'embrasent, resplendissent de tous les coloris dont l'univers est capable."
"On a beau te répéter que l'univers existe depuis des milliards d'années, toi tu es là pour la première fois. tu vois le ciel se lever et éclairer le monde comme si tu assistais à son avènement. L'univers advient à mesure que tu adviens. Cet instant de rencontre donne sens à toi comme à l'univers - instant rejoignant l'éternité, instant d'éternité."
Bien d'autre passages auraient pu retenir mon attention aujourd'hui, mais je crois que le printemps qui s'annonce et les signes de la nature en ce mois de février ont formé un écho à ce lever du jour si vivant de François Cheng.
Au sommet du mont et du silence,
rien n'est dit, tout est.
Tout vide est plein, tout passé présent,
tout en nous renaît.
(François Cheng, Enfin le royaume)
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