Tout parle nous dit Victor Hugo. tout parle et tout vit autour de nous. Tout est plein d'âmes.
Avec lui, c'est la nature entière qui s'exprime et dialogue avec Dieu.
Et le spectre qui apparaît près du dolmen va lui révéler le secret de la nature : tout est relié car c'est Dieu qui donne sens à la nature.
Cette vision panthéiste de Victor Hugo parle aussi sous une autre forme de ce lien qui nous unit à toutes les créatures de ce monde, puisque nous faisons tous partie de la nature.
Ce que dit la bouche d'ombre
L'homme en songeant descend au gouffre universel.
J'errais près du dolmen qui domine Rozel,
À l'endroit où le cap se prolonge en presqu'île.
Le spectre m'attendait ; l'être sombre et tranquille
Me prit par les cheveux dans sa main qui grandit,
M'emporta sur le haut du rocher, et me dit :
Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route ;
Que, de l'astre au ciron, l'immensité écoute ;
Que tout a conscience en la création ;
Et l'oreille pourrait avoir sa vision,
Car les choses et l'être ont un grand dialogue.
Tout parle ; l'air qui passe et l'alcyon qui vogue,
Le brin d'herbe, la fleur, le germe, l'élément.
T'imaginais-tu donc l'univers autrement ?
Crois-tu que Dieu, par qui la forme sort du nombre,
Aurait fait à jamais sonner la forêt sombre,
L'orage, le torrent roulant de noirs limons,
Le rocher dans les flots, la bête dans les monts,
La mouche, le buisson, la ronce où croît la mûre,
Et qu'il n'aurait rien mis dans l'éternel murmure ?
Crois-tu que l'eau du fleuve et les arbres des bois,
S'ils n'avaient rien à dire, élèveraient la voix ?
Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte ?
Crois-tu que l'océan, qui se gonfle et qui lutte,
Serait content d'ouvrir sa gueule jour et nuit
Pour souffler dans le vide une vapeur de bruit,
Et qu'il voudrait rugir, sous l'ouragan qui vole,
Si son rugissement n'était une parole ?
Crois-tu que le tombeau, d'herbe et de nuit vêtu,
Ne soit rien qu'un silence ? et te figures-tu
Que la création profonde, qui compose
Sa rumeur des frissons du lys et de la rose,
De la foudre, des flots, des souffles du ciel bleu,
Ne sait ce qu'elle dit quand elle parle à Dieu ?
Crois-tu qu'elle ne soit qu'une langue épaissie ?
Crois-tu que la nature énorme balbutie,
Et que Dieu se serait, dans son immensité,
Donné pour tout plaisir, pendant l'éternité,
D'entendre bégayer une sourde-muette ?
Non, l'abîme est un prêtre et l'ombre est un poète ;
Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Tout dit dans l'infini quelque chose à quelqu'un ;
Une pensée emplit le tumulte superbe.
Dieu n'a pas fait un bruit sans y mêler le Verbe.
Tout, comme toi, gémit ou chante comme moi ;
Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi
Tout parle ? Écoute bien. C'est que vents, ondes, flammes
Arbres, roseaux, rochers, tout vit !
Tout est plein d'âmes.
Victor Hugo ( Les contemplations)
Dessins de Victor Hugo |
Le ruisseau sombre, brun, selle de cheval,
Charroyant dans la pente ses roches rugissantes,
Et sa toison d'écume en ses creux et ses combes
Vers le tréfonds du lac dévale en sa maison.
La coiffe fauve d'une mousse vol-au-vent
tourne et se brise par-dessus la boue
D'un siphon d'encre noire caché tout au fond,
Elle broie le désespoir et le broyant le noie;
Saturés de rosées, au prisme des rosées,
Au secret des hauteurs que traverse son cours
Bruyères en maigres touffes, bouquets de fougères,
Colliers de frênes au surplomb du ruisseau.
Qu'adviendrait-il du monde, une fois dévêtu
De sa nature et de ses eaux ? Laisse-les nous,
Ô laisse-nous et la nature et l'eau;
Vivent l'herbe sauvage et la nature intacte.
Gérard M. Hopkins
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