dimanche 28 mai 2017

Anecdotes jupitériennes

On entend beaucoup parler de Jupiter ces temps-ci : une présidence jupitérienne, la sonde Juno qui passe au plus près de la planète géante.
Prolongeons donc ce thème avec quelques histoires jupitériennes.




Dans la mythologie romaine, Jupiter (comme Zeus dans la mythologie grecque) a survécu à sa naissance parce que Gaïa, la terre, en a eu assez que Saturne engloutisse tous ses enfants à la naissance. 
Elle a donc monté une équipe qui va prendre le dernier-né et le cacher : il s’agit de Jupiter. Ils prennent  une pierre, l’entourent d’un linge et la donnent à manger à Cronos (ou Saturne). Celui-ci ne voit pas la différence et avale le tout  puis continue à régner. 
Mais Jupiter grandit. Il sera appelé père des dieux et des hommes. Il va se dire en grandissant qu’il faut qu’il arrive à tuer Saturne, son père qui mange tous ses frères et soeurs. Il a besoin d’aide et il va former une communauté. Pour vaincre Saturne, il va se faire aider par tous ses frères et sœurs, et la guerre va être longue. Il est aussi aidé par les premiers dieux, On lui donne le foudre et des instruments pour se battre. Finalement, Jupiter va tuer Saturne et se retrouver au sommet de l’Olympe et donc régner sur les immortels et les mortels. 
 Pourquoi Jupiter/Zeus est-il appelé père des hommes ? D’une part parce qu’il va faire vomir tous ses frères et sœurs à Saturne, pour faire ressortir tout le monde et créer une communauté humaine ou plutôt divine. Mais il ne le fait pas seul : c’est le premier qui s’allie avec d’autres hommes. Puis, quand il est au pouvoir, il partage le monde et ne prend pas tout le pouvoir pour lui. Il va prendre le ciel en souvenir de son grand-père Ouranos. Il va donner à Poséidon la mer, à Hadès le monde souterrain. Et il va s’unir à des immortelles, mais aussi à des mortelles, ce qui donnera des demi-dieux. Il va donc faire le lien avec nous, les mortels. 




En astronomie, Jupiter est la cinquième planète du système solaire, visible à l'oeil nu dans le ciel et c'est une géante gazeuse encore très énigmatique. Pour lever un peu les énigmes, la sonde Juno arrive dans les parages de la planète pour nous apporter des images.
En analysant les données récoltées, les scientifiques y ont détecté de gigantesques ouragans sur ses pôles et effectué des observations inédites sur l'atmosphère et l'intérieur de la plus grande planète du système solaire.
Jupiter apparaît comme "un monde complexe, gigantesque et turbulent", très différent de ce que les scientifiques imaginaient, a expliqué la NASA, en commentant deux des premières études  effectuées avec les données transmises par Juno et publiées ce jeudi 25 mai dans la revue Science.

"Il se passe tellement de choses et nous ne pensions pas que nous aurions à repenser entièrement notre façon de voir Jupiter", a résumé Scott Bolton, le responsable scientifique de la mission destinée à percer les secrets de la planète gazeuse géante, lors d'une conférence de presse téléphonique. 
Laissons donc le temps aux scientifiques de mieux la comprendre.




En astrologie, Jupiter nous parle de socialisation, de confiance en la vie et de place dans la société.  
Dans la société justement, nous avons un dieu très puissant aujourd’hui, c’est l’obsession du profit. Et c’est Jupiter dans ses niveaux les plus bas: avoir plus, toujours plus et en premier niveau avoir plus d’argent. Cette obsession du profit nous met dans toutes sortes de situations : je veux une augmentation de salaire, je veux plus de confort. Nous voulons toujours plus et toute notre société est prise  dans ce message que le bonheur, c’est d’avoir de l’argent, de pouvoir se payer tout ce qu’on veut, comme si cela pouvait rendre heureux. En réalité ça ne marche pas vraiment. On peut avoir beaucoup d’argent et être très malheureux. Et cette obsession du profit touche le monde entier.
Mais Jupiter le dieu de la mythologie a gagné sa bataille contre son père et il l'a gagnée en s’alliant. A un autre niveau, Jupiter est ce sens de l’intégration sociale, car nous sommes une communauté. Et dans toute entreprise, dans toute administration, dans tout lieu, la question d’une communauté d’humains est primordiale : l’homme ne s’en n’est jamais sorti seul.
Jupiter c’est aussi avoir confiance en soi, en la vie, en l’abondance. Jupiter, c’est l’inverse de la peur de perdre. Souvent dans la vie on pense que si on quitte une situation on va tout perdre mais c’est faux : au carrefour suivant, on rencontre beaucoup. Jupiter est cette force de l’abondance de la vie : la nature est remarquablement abondante, elle nous donne à manger. L’un des messages de Jupiter c’est cette confiance dans le fait que les choses se renouvellent, qu’on retrouve de  la vie et tout ce qui est nécessaire.
Acquérir des connaissances est un autre niveau de richesse. Dans notre société et de plus en plus dans le monde entier, nous avons la possibilité de connaître énormément de choses.
Et si nous sommes intégrés à la communauté des hommes, nous avons tous les jours des enrichissements par échange. Tous les jours, nous avons l'occasion de partager avec notre entourage. L'échange, l'enrichissement social se font en permanence et ne sont  pas nécessairement financiers. 

Et le président jupitérien ? Tout d'abord, Jupiter est très présent dans le thème d'Emmanuel Macron. Et s'il s'agit de nous redonner confiance, de s'allier avec d'autres pour faire avancer les choses, comme nous venons de le voir, nous pourrons sans doute mieux accepter qu'il se place au-dessus de la mêlée.



Jupiter a beaucoup à nous dire et ces quelques éléments n'en sont qu'une infime partie !

Mes sources pour la mythologie : Hesiode et Theodore de Sicile, pour l'astronomie : l'article du Huffington post sur Jupiter du 26/05, pour l'astrologie : les conférences de Sylvie Lafuente Sampietro.

dimanche 21 mai 2017

La conscience



De ce poème, je n'ai longtemps retenu que les deux premiers vers que ma mère récitait dans les temps difficiles et le dernier, qui est devenu une sorte de proverbe et qui nous faisait peur lorsque nous étions enfants. Redécouvrir le poème dans son intégralité me fait l'effet d'une légende ancienne. Dans cette légende racontée dans la Bible, Caïn tue son frère Abel par jalousie, puis il est condamné à errer sur la terre. L'histoire devient pour Victor Hugo celle d'une obsession. Et comme à son habitude, il nous emporte avec toute son énergie dans la quête de Caïn pour échapper à sa conscience, quête qui sera vaine puisque même la mort ne suffira pas pour lui échapper.




La conscience

Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'oeil à la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer ;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.



dimanche 14 mai 2017

Des clartés qui renaissent


Que nous dit notre mémoire qui pourrait nous donner la force de l'espérance ?
Bien sûr, c'est grâce à la poésie que nous pouvons sentir ce passage de la haine et du repli sur soi vers l'espoir d'un monde possible qui soit meilleur et porteur de clarté.





"Ce n'est pas le temps qui opprime
Ni l'écorce de chair bouclant nos fugitives vies
Mais la haine scindant les vivants en ennemis.
...
Vêtus des dépouilles de l'histoire,
Nous marchons à reculons sur les chemins effondrés
Rapiéçant les archives de la mémoire,
Replâtrant les légendes.
Nous hissons nos mythes rancis
Sur des socles figés."
Andrée Chedid




"Nous avons appris à voler à travers les airs comme des oiseaux, et à nager à travers les mers comme des poissons, mais nous n'avons toujours pas appris l'art simple de vivre ensemble comme des frères."
Martin Luther King

"Pourtant, l'espoir serpente à travers nos sols

Pétri d'ombres et de lueurs
L'espoir bifurque puis s'élève vers les soleils à venir."
Andrée Chedid

"C'est l'espoir qui donne son sens à la vie. et l'espoir se fonde sur la perspective de pouvoir, un jour, transformer le monde présent  en un monde possible qui parait meilleur."
François Jacob




Terminons avec le beau poème d'espérance d'Andrée Chedid :

J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie

Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits

Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries

Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir

J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.

Andrée Chedid


Cet article est illustré de tableaux de Mondrian. Les citations m'ont été inspirées par Jean-Claude Ameisen.

dimanche 7 mai 2017

La connaissance



Revenons à Khalil Gibran, dont la sagesse est toujours une source d'inspiration.
Il nous parle de la connaissance de soi dans "Le prophète" :

Et un homme dit : "Parle-nous de la Connaissance de Soi".
Et il répondit, en disant :
Votre cœur connaît en silence les secrets des jours et des nuits.
Mais vos oreilles ont soif d'entendre la résonance de cette connaissance enfouie dans votre cœur.
Vous voudriez connaître en paroles ce que vous avez toujours connu en pensée.
Vous aimeriez toucher du doigt le corps nu de vos rêves.
Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
La source cachée de votre âme doit fuser puis ruisseler en murmurant vers la mer ;
Et les trésors de vos infinies profondeurs pourraient dès lors étinceler dans votre regard.
Mais ce n'est point avec une balance que vous pouvez estimer votre trésor inconnu ;
Et ce n'est ni avec une perche ou une sonde que vous parviendrez à explorer le fond de votre connaissance.
Car le moi est une mer sans limite et sans mesure.
Ne dites pas : "J'ai trouvé la vérité", mais plutôt : "J'ai trouvé une vérité".
Ne dites pas : "J'ai trouvé le chemin de l'âme". Dites plutôt : "J'ai rencontré l'âme marchant sur mon chemin".
Car l'âme passe par tous les chemins.
L'âme ne suit pas une seule voie, ni ne croît comme un roseau.
L'âme se déploie plutôt, tel un lotus aux innombrables pétales".




Trouver le trésor caché au fond de notre âme, puis le laisser s'épanouir sur tous les chemins qu'elle pourra suivre, voir étinceler cette découverte dans notre regard, quelle promesse merveilleuse d'aventure !
 Dans cet autre texte, il nous montre comment nous pouvons, grâce à cette connaissance, sortir des ténèbres et aller vers la lumière du sage :

"La connaissance est la seule richesse dont les tyrans ne peuvent nous dépouiller... Dieu vous a donné l'intelligence et la connaissance. Aussi n'étouffez-pas la lampe de la Grâce Divine et ne laissez pas s'éteindre la bougie de la sagesse dans les ténèbres de l'avidité et de l'erreur. Le sage est celui qui, à la lueur de son propre flambeau, vient éclairer le chemin des hommes."

Khalil Gibran


Deux très beaux textes inspirants particulièrement aujourd'hui : ne laissons pas s'éteindre la bougie de la connaissance dans les ténèbres...

lundi 1 mai 2017

Le vol de Quetzalcoatl

Légende aztèque 
Voici un extrait de la légende de Qutzalcoatl, le serpent à plumes. Ce récit légendaire fut recueilli puis traduit par le père San Bernardino de Sarragun, en 1547, auprès des vieillards, trente ans après la destruction de l'empire aztèque. 
Ce texte légendaire est magnifique.



Quetzalcoatl, roi de Tula, est obligé de quitter son royaume de Tula, chassé par son rival, Tezcatlipoca. "Puis le temps arriva à son tour, pour Quetzalcoatl, où il sentit les ténèbres rouler en lui, comme une rivière, comme si elles avaient voulu l'entraîner, et il songea alors à partir, à laisser la ville dans l'état où il l'avait trouvée, et à s'en aller, oubliant à jamais l'existence de Tula."




Quetzalcoatl doit partir et il finira par s'immoler par le feu sur la plage : 



Cela se termina sur la plage
Cela se termina par une carcasse de serpent en forme de navire
Et lorsqu’il l’eut construit, il s’y assit et prit le large,
Un navire qui glissait sur ces eaux enflammées, nul ne sachant
quand il atteindrait le pays du Soleil Rouge
Cela se termina sur les rives d’une très vaste mer
Cela se termina par son visage reflété dans le miroir de ses vagues
La beauté de son visage lui étant renvoyée
Et il était revêtu d’habits semblables au soleil
Cela se termina par un feu de joie sur la plage dans lequel il se
jeta lui-même et se consuma, ses cendres s’élevant au milieu
des cris d’oiseaux
Cela se termina avec la linotte, avec les oiseaux aux plumes turquoises,
les oiseaux aux plumes couleur de tournesol, les oiseaux rouges et bleus
Cela se termina avec les oiseaux aux plumes jaunes dans une
insurrection d’or
Traçant des cercles jusqu’à ce que le feu soit éteint
Traçant des cercles tandis que son coeur s’élevait vers le ciel
Cela se termina avec son coeur transformé en étoile
Cela se termina avec l’étoile du matin avec l’aube et le crépuscule
Cela se termina avec son voyage au Royaume des Morts avec
sept journées de ténèbres
Son corps changé en lumière
Une étoile qui brûle à jamais dans le ciel

Le vol de Quetzalcoatl. Peuple Aztèque.



D'autres voyages font écho à celui-ci, où la mort par le feu conduit à la renaissance sous forme de lumière, comme par exemple celui d'Ulysse, éternel retour vers son pays, voyage qui continuera après la fin de l'Odyssée, voyage pour trouver sa vérité.

« Les lumières commencent à scintiller sur les rochers,
Le long jour décline, la lente lune monte, les profonds
Gémissements de nombreuses voix tournoient. Venez, mes amis,
Il n'est pas trop tard pour partir à la recherche d'un monde nouveau.
[…] Car je veux
Naviguer au-delà du soleil couchant, là où nagent
Toutes les étoiles de l’occident, jusqu’à ma mort.
Il se peut que les golfes nous engloutissent.
Il se peut que nous atteignions les Îles Heureuses,
[…] Et bien que
Nous ne soyons plus aujourd’hui de cette force qui, autrefois,
Remuait terre et ciel, ce que nous sommes, nous le sommes ;
Des cœurs héroïques, affaiblis par le temps et le destin, mais forts dans leur volonté
De lutter, de chercher, de trouver, et de ne pas céder. »
Alfred Tennyson. Ulysse