Dans la magnifique série Cosmos, qui décrit, comme son nom l'indique, les phénomènes de l'univers, leurs découvertes et nous invite à un voyage de toute beauté à travers les galaxies, les cellules, le passé et l'avenir, un passage décrit la lecture du ciel par les premiers hommes :
"Toutes les cultures de la planète regardaient les mêmes étoiles et y ont trouvé différentes images. On a utilisé le don de reconnaissance des formes de la nature pour lire le calendrier dans le ciel. Les messages écrits dans les étoiles disaient à nos ancêtres quand camper et quand repartir. Quand le troupeau devait migrer et quand la pluie et le froid arrivaient. Et quand ils cesseraient pendant quelque temps..
Quand ils observaient la connexion directe entre le mouvement des étoiles et les cycles saisonniers de la vie sur terre, ils concluaient, évidemment, que ce qui se passait là-haut devait être dirigé vers nous, ici. Cela parait logique. Le ciel est un calendrier."
Et ce calendrier qui permettait de prévoir le retour des phénomènes comme le froid, la période des cueillettes ou celle des chasses les plus prometteuses a permis d'envisager l'avenir avec plus de sérénité. L'astrologie vient aussi de cette observation du ciel et de ce calendrier des étoiles.
Il permettait d'inscrire le monde dans un ensemble cohérent avec des périodes plus ou moins fastes qui revenaient régulièrement et de décrire ce qui pouvait se produire dans les temps à venir. Et de temps en temps, ce calendrier était perturbé par des événements comme l'apparition d'une comète.
" Et si le ciel est un calendrier et que quelqu'un colle un post-it dessus, comme par exemple cette comète, Qu'est-ce que cela pourrait être d'autre qu'un message ?" (Texte extrait de la série Cosmos 2014 épisode 3)
Dans l'Antiquité, la lecture des signes du ciel permettait de comprendre les avertissements envoyés par les dieux.
"Cette mise en correspondance entre événements célestes ( éclipses, conjonctions planétaires, comètes) et événements terrestres (famine, guerre, mort du roi), est au fondement même de l'astrologie. Même si elle repose sur des observations millénaires, l'astrologie n'a rien d'une science, au sens moderne du terme, puisque son fondement est indémontrable, et sa pratique sujette à mille interprétations. Il s'agit donc d'une connaissance symbolique, qui repose sur la croyance qu'il existe une mystérieuse corrélation entre le macrocosme (le cosmos) et le microcosme ( la société, l'individu)...
Johannes Kepler, l'un des pères fondateurs de la science astronomique moderne, continua de faire des thèmes astraux en expliquant qu'il ne fallait pas chercher à donner une explication rationnelle à l'astrologie, mais se borner à constater son efficacité pratique.
L'astrologie répond à un besoin aussi vieux que l'humanité : trouver du sens et l'ordre au sein d'un monde si imprévisible et apparemment chaotique." (Frédéric Lenoir)
Voici aujourd'hui une histoire qui rassemble deux sujets qui m'intéressent particulièrement : le bambou et la peinture chinoise. Je les ai déjà évoqués et il me semble qu'ici est particulièrement bien évoquée la façon de peindre des maîtres chinois, telle que j'ai cru la saisir d'après mes lectures et expériences.
Un empereur chinois convoqua à sa cour le plus illustre peintre qui vivait sous le ciel. il voulait lui passer commande d'une oeuvre pour orner la salle du conseil, un thème de méditation pour ses ministres : une peinture de bambou. N'était-ce pas le symbole même du lettré, de l'honnête homme par excellence ? Humble et droit, souple et résistant, discret et solidaire... Comme dit le proverbe : une image vaut dix mille mots !
_ Bien, dit le peintre, mais cela va demander du temps.
_ Comment ? répondit le souverain, quelque peu agacé, mais je croyais qu'un maître tel que vous pouvait réaliser cette peinture dans la journée !
_ Eh bien, voyez-vous, répondit le vieil artiste, je n'ai encore jamais peint de bambou.
_ Peut-être, mais avec votre talent incomparable, c'est sans doute une affaire de quelques jours...
_ Détrompez-vous, Majesté, cela risque de durer plus longtemps. Je ne peux peindre que ce que je comprends de l'intérieur. Il faut que j'aille vivre dans une bambouseraie, que je m'immerge dans ce monde, qu'à force de contempler les bambous, j'en devienne un.
Se souvenant que le peintre, adepte inconditionnel du chan, avait la réputation d'un vieil excentrique, l'empereur sourit et, magnanime, lui accorda le temps qu'il voudrait et lui fit remettre une bourse pour subvenir à ses besoins.
Un an passa. Les murs de la salle du conseil étaient toujours désespérément vides.
Le peintre n'était pas revenu, n'avait donné aucune nouvelle, envoyé nul rouleau. Excédé, le Fils du Ciel dépêcha un messager dans la montagne où s'était retiré l'artiste. L'émissaire impérial s'aventura au cœur de la bambouseraie et là, vit le vieux peintre assis en méditation. Il s'approcha. Le méditant avait les yeux inexpressifs, vides, comme si son esprit était absent. Le fonctionnaire demanda doucement :
_ Tout va bien, Maître, vous n'avez besoin de rien ?... Vous pensez en avoir encore pour longtemps ... L'empereur s'impatiente...
Il ne reçut aucune réponse et crut même que ce vieux fou avait complètement perdu la raison. Quand il reçut le rapport, le souverain se contenta de hausser les épaules et se résolut à patienter encore.
Une autre année s'écoula. Cette fois, le Maître de l'empire du Milieu vint en personne dans la bambouseraie pour tenter de raisonner le vieil original. Parvenu au milieu de la clairière où son émissaire l'avait guidé, là où il affirmait avoir vu le peintre immobile, il n'y avait plus personne ! Il n'y avait rien d'autre qu'un bambou qui dansait, ivre de vent et de lumière ! Le souverain déploya sa garde personnelle dans la vaste forêt de graminées géantes. La terre trembla sous les bottes, la vallée résonna de l'écho des voix rauques, chaque bosquet fut fouillé, en vain. Les soldats rentrèrent bredouilles. Le peintre avait disparu sans laisser de traces. Furieux, l'empereur retourna s'enfermer dans son palais. Il lui fallait renoncer à son dessein ou s'adresser à un autre artiste, de moindre talent. Il finit par convoquer tous les peintres de renom que comptait son vaste domaine afin de les faire concourir.
L'encre des œuvres n'était pas encore sèche ni le nom du gagnant proclamé, que le vieux peintre refit son apparition à la cour.
Le Fils du Ciel, qui ne s'était pas encore décidé tant les peintures rivalisaient de beauté entre elles, fut curieux de savoir si le "revenant" pourrait les surpasser.
_ Que s'est-il passé, mon ami, je croyais que vous aviez renoncé à ma commande ? Vous m'avez fait trop attendre et vous voilà maintenant mis en concurrence.
_ je n'ai pas abandonné, au contraire, mais figurez-vous qu'à chaque fois que je touchais au but, des émissaires de votre Grandeur sont venus me tirer de ma méditation. Ils faisaient un tel vacarme, m'appelaient. J'avais beau leur répondre, leur faire signe de se taire, ils n'écoutaient rien ! Mais maintenant, me voilà prêt à en peindre un !
Des serviteurs apportèrent le papier, l'encre et le pinceau. Et en quelques gestes énergiques, le peintre brossa son chef-d'oeuvre. C'était une esquisse, minimaliste, presque une simple calligraphie. L'empereur, s'attendant à de la couleur, des dégradés, des détails, fit la moue.
Suspendu dans la salle du conseil, devant les yeux ébahis de l'assistance, le bambou parut soudain si vivant, qu'il semblait danser, ivre de vent et de lumière.
La peinture éclipsait celles de tous les artistes présents, comme si le vieil original avait su y projeter l'âme même du bambou. L'empereur voulut le nommer Premier Pinceau sous le Ciel, en faire son peintre officiel, mais quand il se retourna, le vieillard s'était volatilisé. Et personne ne l'avait vu quitter le palais...
Histoire extraite des "Contes des sages zen"
Chaque été, depuis quelque temps, je rencontre Rainer Maria Rilke sur ma route, le poète autrichien dont les poèmes et les lettres ont marqué le début du XXe siècle.
C'est un poème qui me touche, un vers qui m'accompagne, des phrases qui viennent me parler.
Cette année, j'ai rencontré par deux fois ce poème extrait du Livre des images, et j'ai ressenti la même émotion à sa lecture, la même force dans les mots. Le voici donc, tel que je l'ai découvert :
Ouverture
Qui que tu sois, le soir sors,
sors de ta chambre où tout est connu ;
ta maison, c’est la dernière avant l’étendue,
qui que tu sois.
Avec tes yeux qui fatigués peinent
à se délivrer de l’usure du seuil,
tu lèves un arbre noir, lentement, à peine,
et le plantes devant le ciel : svelte, seul.
Et tu as fait le monde. Et il est grand,
pareil à un mot qui mûrit encore dans le silence.
Et comme ta volonté comprend son sens,
tes yeux de lui se détachent tendrement…
Rainer Maria Rilke, Le Livre des images