lundi 31 octobre 2016

Générosité en paroles

J'aime bien ce conte parce qu'il nous met face à notre mauvaise foi. Après l'avoir lu, on se dit  que nous sommes tous (ou presque tous) un peu comme ça : généreux mais surtout en paroles ou quand ce n'est pas trop difficile...




Les deux poules


Il fait beau. L'air est parfumé des mille senteurs du marché. Djoha et son ami Salem sirotent le thé du matin à la terrasse du bistrot. Il parlent gravement des lois que tout honnête musulman doit respecter, coûte que coûte.
_ Aider son prochain, dit Djoha, voilà bien le commandement le plus sacré qui soit au monde. Comment pourrais-je vivre en paix si mon voisin manque de tout ?
_ Et que fais-tu pour lui, mon frère ?
_ Admettons que j'aie deux maisons. S'il se trouve sans feu ni lieu, je partage, ma foi l'exige.  
Salem en reste bouche ouverte. Une lueur d'admiration brille sous ses sourcils touffus.
_ Djoha, dit-il, tu ferais ça ? Tu donnerais une maison, de bon cœur, à un malheureux, sans rien demander en échange ?
Son compagnon bombe le torse.
_ Evidemment. Je le ferais. J'ai deux champs, deux chevaux, deux ânes. Tu n'en n'as pas ? Prends, mon ami. Allah le veut, donc moi aussi.
_ Alors là, vraiment, tu m'épates. Je bois le thé avec un saint ! Ainsi, n'importe qui, un mendiant de passage, frappe à ta porte, il te salue. " La paix soit sur toi, mon bon Salem, donne-moi une de tes poules. " Et toi tu lui réponds : "Sers-toi."
_ Ah non, Salem, pas une poule. Tu plaisantes, ou quoi ? Tout de même, il ne faut pas exagérer.
L'autre, l'air un peu égaré :
_ Quelque chose a dû m'échapper. Corrige-moi si je me trompe. Tu étais d'accord, à l'instant, pour offrir à ton voisin pauvre un âne, un champ, une maison, et tu refuserais de donner une poule, même maigre, à un miséreux ?
_ Un peu de jugeote, Salem ! Tu sais bien que je n'ai qu'un âne, qu'un mauvais champ, qu'une maison, mais des poules, oui, j'en ai deux. Le problème est tout différent.

Conte proposé par Henri Gougaud


dimanche 23 octobre 2016

Mystère de la vie



Le personnage d'Einstein est passionnant. Non content d'avoir bouleversé par ses découvertes scientifiques notre conception du monde, il nous a également laissé une pensée très riche et pleine d'enseignements pour notre époque. 
L'émerveillement devant les mystères de la vie, la curiosité par rapport à l'univers et à sa formation, nous sommes nombreux à les partager.
Et les découvertes de la science au XXe et XXIe siècles sont tellement étonnantes qu'elles nous interrogent nécessairement sur le mystère de la construction du monde. Ce vertige et cet étonnement se traduisent souvent dans la religion. 
Einstein en était bien conscient même s'il ne connaissait pas tous les développements que ses théories allaient susciter par la suite. Pour lui, comme pour nous, le mystère reste entier : d'où vient tant de beauté, et comment appréhender ce monde qui garde une immense part de mystère ?  Ses réflexions sur le mystère de la vie nous sont précieuses et utiles, et nous donnent à réfléchir.




Voici donc un extrait de "Comment je vois le monde" où il évoque l'idée qu'il se fait de la religion :

"J'éprouve l'émotion la plus forte devant le mystère de la vie. Ce sentiment fonde le beau et le vrai, il suscite l'art et la science. Si quelqu'un ne connaît pas cette sensation ou ne peut plus ressentir étonnement ou surprise, il est un mort vivant et ses yeux sont désormais aveugles.
Auréolée de crainte, cette réalité secrète du mystère constitue aussi la religion. Des hommes reconnaissent, alors, quelque chose d'impénétrable à leur intelligence mais connaissent les manifestations de cet ordre  suprême et de cette beauté inaltérable. Des hommes s'avouent limités dans leur esprit pour appréhender cette perfection et cette connaissance de cet aveu prend le nom de religion. Ainsi, mais seulement ainsi, je suis profondément religieux.
Tout comme ces hommes, je ne peux pas imaginer un dieu qui récompense et punit l'objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un dieu qui réglerait sa volonté sur l'expérience de la mienne. Je ne veux pas et ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste. Je ne me lasse pas de contempler le mystère de l'éternité de la vie et j'ai l'intuition de la construction extraordinaire de l'être.  Même si l'effort pour le comprendre reste disproportionné, je vois la raison se manifester dans la vie." Einstein (Comment je vois le monde)



Un autre scientifique d'aujourd'hui nous livre sa pensée : Trinh Xuan Thuan dans son livre : La plénitude du vide. Il nous raconte l'histoire du vide à travers les époques. Il nous dit dans un langage clair comment le vide dans l'univers a toujours été source d'interrogations. Il a d'abord été rempli par les scientifiques qui en avaient peur avec l'idée d'éther, puis vidé de sa substance mais l'idée fut abandonnée et aujourd'hui, les scientifiques l'ont à nouveau rempli de forces, de matière et d'énergie, L'univers est né du vide, son contenu est issu du vide et le vide dicte son mouvement. 
Trinh Xuan Thuan nous livre également un parallèle entre les découvertes récentes de la physique et la pensée bouddhiste. Il y trouve de nombreuses correspondances et cette lecture est passionnante pour comprendre ce lien que l'on peut faire entre la science et la pensée philosophique ou religieuse.
Il nous dit que la science comme la religion sont quête de vérité :
"Elles ne devraient pas déboucher sur une opposition irréductible, mais sur une harmonieuse complémentarité."


dimanche 16 octobre 2016

Fragilité


"Le vent ne souffle pas la matinée entière.
L'averse ne dure pas tout au long du jour.
Les caprices du temps ne sont pas éternels.
L'homme non plus."
Tao Te King





Cette saison d'automne nous rappelle combien la vie est fragile. Elle peut disparaître pour un changement de saison, un petit déséquilibre et pourtant, elle resurgit, toujours avec autant de force, lorsque  l'énergie remonte. 
Le poème de Jean-Baptiste Chassignet  nous rappelle justement à la beauté et à la simplicité, simplement parce que la vie a une fin, Nous sommes mortels et cela suffit à nous faire sentir notre fragilité, à nous faire apprécier chaque instant comme unique et notre vie dans toute sa beauté.




"A beaucoup de danger est sujette la fleur,
Ou l'on la foule aux pieds ou les vents la ternissent,
Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent,
La bête la dévore, et s'effeuille en verdeur;

Nos jours entremêlés de regret et de pleur
A la fleur comparés comme la fleur fleurissent,
Tombent comme la fleur, comme la fleur périssent,
Autant comme du froid tourmentés de l'ardeur.

Non de fer ni de plomb, mais d'odorantes pommes
Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes
Sont légers, non pesants, variables et vains,

Qui, laissant après eux d'un peu de renommée
L'odeur en moins de rien comme fruit consommée,
Passent légèrement hors du cœur des humains.

Jean-Baptiste Chassignet  (Le mespris de la vie et consolation contre la mort - 1594) cité par Fabrice Midal dans "Etre au monde".




La fleur et le fruit sont à la fois ces témoins de la fragilité de la vie mais en même temps les preuves de sa beauté et de toute sa force.
"L'éclosion d'une fleur a beau être éphémère, elle est triomphante, comme si de toute éternité son irrépressible intention était enracinée dans la terre, comme si la terre ne pouvait pas ne pas donner une pivoine ou une rose, comme si la beauté d'une rose était suffisante pour justifier l'aventure de la vie." François Cheng

dimanche 9 octobre 2016

Nous nous sommes régalés



Je vous l'avais annoncé et vendredi soir, nous étions réunis à nouveau autour du festin impromptu d'Alain et Jean-Philippe.
Nous nous réjouissions, nous qui l'avions déjà vécu, de ce moment avec les musiciens.
Certains parmi les spectateurs n'ont pas pu venir, malades pour la plupart, j'ose espérer que quelques vibrations de réconfort leur sont parvenues.
Nous étions donc bien installés et le décor de la salle que nous connaissons était transformé pour le spectacle : les instruments d'Alain forment un ensemble magnifique avec les gongs, timbales, cymbales, cloche et plus encore.





L'apéritif et son caressé de cruchon au coulis de Vénus passé, nous choisissons notre menu. Les plats sont concoctés à base de planètes et d'instrument divers, leurs noms sont déjà évocateurs.
La musique commence avec les percussions d'Alain, puis dans un instant de respiration, Jean-Philippe commence à nous chanter toutes sortes de mélodies dans une langue faite d'onomatopées et de mots inventés qu'il nous délivre avec délice. Il est joyeux et inspiré, Jean-Philippe, et sa voix , son corps qui évolue avec les sons, tout nous entraîne à sa suite dans une sorte de rêve éveillé.

Avec Neptune, c'est autre chose : la sanza nous emmène bien loin de là, les voix nous attirent dans les profondeurs de la terre pour nous faire vibrer et terminer au ciel. Lorsque le silence se fait, nous sommes ébranlés, pas facile de revenir à nous. Nous étions tous partis avec nos deux chamanes dans l'immensité.
Encore quelques planètes explorées, quelque shrutti box et cajon caressés et le spectacle se termine par un plat préparé à la demande des spectateurs : ce sera Saturne, avec le bol chantant et les gongs traditionnels : un plat très rythmé qui nous a fait vibrer avec le temps et résonner avec l'instant.
Sans oublier ce frotté de Tam Tam en Chanté cueilli à la nouvelle lune, qui lui, nous a transportés dans un pays lointain, à l'heure où les ombres deviennent magiques et où les bruits nous prennent par surprise dans le noir.





Un spectacle pour se laisser envahir, pour écouter et s'écouter sentir et vibrer, un moment plein de poésie et de belles vibrations. Nous avons tous partagé le bonheur évident de nos deux musiciens à nous présenter leur menu et apprécié leur spontanéité et leur humour. Comme le font les bons cuisiniers, les plats qu'ils nous ont présentés ont été imaginés à l'avance et l'énergie de chacun choisie et décidée, mais la cuisine se fait sur l'instant et cette improvisation fait toute la magie du festin.

Vivement le prochain !





Alain Lafuente, percussionniste, crée des musiques pour le théâtre, la danse et la peinture. Il est passionné par le spectacle vivant et l’impact des sons, des vibrations sur les énergies. 


Jean-Philippe Seunevel, chanteur, parcourt  un chemin qu’il nomme chant vital, art du chant spontané. Il laisse le chant naître, le traverser à partir du souffle et  nous le transmet (http://jean-philippe-seunevel.tumblr.com/).



dimanche 2 octobre 2016

Peintures, signes et planètes



Nous avons passé un joli moment vendredi soir avec Claire Boulnois qui fêtait son exposition au centre d'astrologie.L'exposition n'a pas de titre mais elle pourrait s'intituler : Des signes, des astres et nous...
En effet, Claire a suivi, tout comme nous, les cours d'astrologie de Sylvie Lafuente Sampietro et elle s'est inspirée de ces formations pour créer des tableaux sur les énergies du zodiaque. Nous retrouvons autour de la salle les 12 énergies des signes, avec les planètes qui les gouvernent, les planètes du système solaire. En reprenant la symbolique de chaque élément, elle a su dépeindre une atmosphère, une impression et cette exposition nous plait particulièrement car elle nous parle de ce que nous avons nous-mêmes ressenti avec ces énergies. Ses tableaux sont lumineux, pleins de couleurs, agrémentés de pierres et de brillance, ils dégagent une énergie vivante.




L'ambiance de cette soirée était joyeuse, nous nous sommes retrouvés autour de ces tableaux pleins de vie, avec beaucoup de bonheur d'être présents pour célébrer l'astrologie et tout ce qu'elle peut apporter et produire à travers nous.
Chacun donnait ses préférences et souvent, elles avaient à voir avec les énergies qui nous concernent plus particulièrement dans notre thème.




Claire avait aussi apporté de nouveaux tableaux sur les signes et d'autres inspirés par le thème natal des personnes qu'elle connaissait ou non. Le mandala que constitue un thème natal se prête bien à cette interprétation artistique.



Nous sommes heureux également que les cours d'astrologie conduisent à de belles réalisations artistiques : des contes, des œuvres picturales, et de la musique (n'oubliez pas le spectacle musical sur les planètes vendredi 6 octobre !).





Il manquait la poésie bien sûr et en attendant les oeuvres des élèves du centre, j'ai retrouvé ce poème de Maurice Carême, un des poètes que nous étudiions à l'école : les animaux du zodiaque

Quand ils ont quitté les baraques
Du soleil, leur patient berger,
Les animaux du zodiaque
Vont boire dans la voie lactée.
Puis ils s’égaillent dans les prés
Du ciel plein des graminées pâles
En croquant parfois une étoile
Qui éclate en grains de clarté.
Il arrive aussi que la Vierge
Leur tende en riant son épi
Et leur montre, ourlé de lumière,
Le grand portail du paradis.
Mais dès que le fouet de l’aurore
S’en vient claquer au-dessus d’eux,
Bélier, Taureau et Capricorne
Font tourner la roue d’or des cieux.


(Maurice Carême)





N'oublions pas non plus les leçons de sagesse des anciens : 
"Ecoute en toi-même
Et vois dans l'infini
De l'univers et des âges.
Ecoute ce chant des astres
Cette voix des nombres,
C'est l'harmonie des sphères."
(attribué à Hermès Trismégiste)

La conclusion de cette soirée pourrait être celle-ci :



"Hugo écrivait à l'adresse des pessimistes de son époque : Vous voyez l'ombre, et moi je contemple les astres.  Chacun a sa façon de regarder la nuit..." (Thibon Gustave)