Voici une histoire de sages. Deux à la fois, qui se mesurent et le résultat est bien sûr, à la hauteur de nos espérances.
Elle est contée par Jean-Claude Carrière dans "Le cercle des menteurs".
La nouvelle sagesse
Un sage, âgé de quatre-vingts ans, vivait dans la Chine du Nord. Il était le plus célèbre commentateur de la parole de Confucius et sa réputation s'élevait au-dessus de celle des autres sages. A une certaine période, on entendit soudain une rumeur, qui montait du Sud, selon laquelle un homme encore plus sage, encore plus profond, venait d'apparaître. Le vieux sage du Nord, trouvant cette idée intolérable, décida de se mettre en route pour vérifier la chose par lui-même.
Le chemin fut hasardeux et pénible. Après des mois d'efforts, il parvint enfin auprès du nouveau maître, il se présenta, et les deux hommes décidèrent de confronter leurs doctrines, pour décider laquelle leur paraissait la plus profonde.
Le vieil homme commença. Il lui fallut plusieurs heures pour exposer, avec calme et intelligence, les points principaux de son système. Quand il eut terminé, il demanda à l'homme du Sud, un bouddhiste de l'école appelée Zen, de faire connaître ses propres idées.
Le maître zen dit simplement ceci :
_ Eviter de faire le mal et faire le plus de bien possible.
Le vieux maître, en entendant ces mots, rougit et s'enflamma de colère.
_ Comment ! s'écria-t-il. A mon âge, j'ai affronté tous les dangers d'une longue route ! Je t'ai dit pourquoi je venais ! Je t'ai longuement exposé ma doctrine ! Je ne t'ai rien caché ! Et tu me donnes en échange une maxime insignifiante que tout enfant de trois ans connaît par cœur ! Est-ce que tu te moques de moi ?
Le maître zen lui répondit :
_ Non, je ne me moque pas de toi. Mais s'il est vrai que tout enfant de trois ans connaît par cœur cette maxime, cependant un homme de quatre-vingts ans est encore incapable d'y conformer sa vie.
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