dimanche 25 mars 2018

Une nouvelle définition du soi

Cette semaine, dans Telerama, le philosophe Pascal Chabot est interviewé sur les défis de notre monde.




Et il nous parle du soi d'une manière éclairante, face à ce qu'il appelle les ultraforces ( comme la finance, la robotisation, la numérisation ou la médicalisation), ces puissances qui règnent sur notre monde sans état d'âme. Je vous présente donc un extrait de cette interview :

"Le "soi" est une manière philosophique de dire que nous sommes des individus capables de nommer ce qui leur importe fondamentalement. Pour mieux le comprendre, demandez-vous ce que vous aimez chez l'autre quand vous aimez vraiment. Nous n'aimons jamais une personne pour son "moi" adapté au système mais pour ses qualités propres, celles qui font précisément qu'elle est elle, et pas une autre. Ce que nous aimons, c'est ce qui compte pour elle, c'est-à-dire son "soi". Et chacun est libre évidemment de décider ce qui compte vraiment. Portant, il me semble qu'on peut déceler quelques invariants constitutifs en chacun de nous : la "saveur" d'exister, par exemple, c'est-à-dire le rapport sensuel que nous tissons avec le monde, cette sensualité qui passe dans notre rapport à la nature, à ce que nous aimons manger, écouter, voir... Un autre marqueur universellement partagé est la recherche de stabilité et d'équilibre _ alors que la mentalité disruptive, on l'a vu, promeut justement le déséquilibre comme mode d'existence privilégié. Notre corps lui-même est une machine à retrouver des équilibres ! Autre marqueur : il me semble que la redécouverte de soi n'est jamais ... une fin en soi : elle ouvre sur un désir de l'autre. Le cocooning, la recherche de bien-être ont leur importance, mais c'est n'aller qu'à mi-chemin avec ces instruments que de leur refuser de nous mener vers autrui. Sinon, nous finirons tous comme le héros du film Cosmopolis, de David Cronenberg, enfermé dans sa limousine et se disant, alors qu'approche la fin du monde, que finalement il a réussi à se construire son petit pré carré de qualité, et que ça lui suffit... Le soi est toujours relié à l'autre, et c'est quand il se mue en "hors de soi", dans l'amitié, ou l'amour, après avoir défini ce qui lui importe vraiment et dépend de lui, qu'il est le plus épanoui."




"C'est dans la capacité à sortir de notre souffrance de sujets clivés, de choisir la quête d'un soi plus libre (et sans doute plus seul) pour dire haut et fort "Ceci est absolument essentiel pour moi et je me battrai pour le défendre", que se rejoignent la culture et la politique."

Cette définition du soi qui s'élargit vers la société est très intéressante, car nous entendons souvent le soi comme un sujet très personnel à traiter dans l'intimité alors que c'est bien en nous reconnectant à lui que nous pouvons réellement devenir des acteurs libres dans le monde. 



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