dimanche 21 juin 2020

La lente maturation du bambou




L'allégorie du bambou m'a toujours plus  : d'une part parce que j'aime le bambou, son feuillage léger, son ombre douce, sa façon de pousser anarchiquement, son lien fort avec la Chine et le Japon, et d'autre part parce que la lente maturation dans l'ombre de ses pousses avant une éclosion puissante est une image forte et nous parle de nos fonctionnements humains.

"On raconte qu'il existe en Chine une variété de bambou tout à fait particulière. Si l'on en sème une graine dans un terrain propice, il faut s'armer de patience... En effet, la première année, il ne se passe rien : aucune tige ne daigne sortir du sol, pas la moindre pousse. La deuxième année, non plus. La troisième ? Pas davantage ! La quatrième, alors ? ... Que nenni ! Ce n'est que la cinquième année que la bambou pointe enfin le bout de sa tige hors de terre. Mais il va alors pousser de douze mètres en une seule année; quel rattrapage spectaculaire !  La raison en est simple : pendant cinq ans, alors que rien ne se produit en surface, le bambou développe secrètement de prodigieuses racines dans le sol grâce auxquelles, le moment venu, il est en mesure de faire une entrée triomphante dans le monde, au grand jour." (Olivier Clerc)




"Le bambou chinois, selon Olivier Clerc, nous montre que ce n'est pas parce qu'on ne voit rien qu'il ne se passe rien. Ensuite, il indique que certains changements brusques ou parfois instantanés peuvent être le résultat d'une lente  évolution qui, elle, ne nous est pas perceptible.

Nous pouvons observer le phénomène du bambou chinois dans de nombreux domaines humains différents.  L'ignorer nous conduit souvent à mal interpréter certaines situations, soit en nous alarmant inutilement d'un apparent manque de changements positifs, soit, au contraire, en fondant notre calme et notre assurance sur l'absence trompeuse de changements négatifs, lesquels ne tarderont pourtant pas à se révéler.
Contrairement aux connaissances intellectuelles que nous acquérons de façon assez linéaire, par accumulation et mémorisation de données diverses, les changements qui affectent notre psyché _ le cœur, les sentiments, les émotions, les empreintes du passé_ et ceux qui touchent notre dimension subtile _ l'âme et l'esprit _ s'effectuent le plus souvent à la manière du bambou. Ainsi, par exemple, 
nous contenter de comprendre intellectuellement les problèmes psychologiques liés à notre enfance suffit rarement à produire en nous un changement, une libération. C'est quand la charge émotionnelle de notre passé parvient à s'exprimer que, subitement, nous accédons à un nouveau niveau de conscience.
Les adeptes d'une discipline spirituelle qui ignorent cette lente transformation non visible, prélude à l'accession à un nouvel état de conscience ou à l'éveil de nouvelles facultés, peuvent se décourager et estimer que leurs efforts sont inutiles ou improductifs, alors même qu'ils ne sont peut-être plus qu'à quelques pas de voir leur travail couronné de succès. 
Riche allégorie que celle de ce bambou chinois ! Savoir travailler lentement dans le secret pour que les choses grandissent ensuite vite et fort au grand jour. Derrière le calme des apparences, apprendre à discerner quelque évolution souterraine  et silencieuse, qu'elle soit positive ou négative. 
Faire du temps notre allié conscient plutôt que notre ennemi inconscient. Avec le bambou, nous mettons un pied dans l'invisible, le subtil.  Nous nous évadons un peu de la prison du manifesté pour explorer la source du possible. Des effets apparents, nous remontons aux causes cachées.




En nous appropriant le langage symbolique de la nature, nous constatons encore et encore que les mêmes principes sont à l'oeuvre partout."


Et pour terminer avec le bambou, un poème du maître des haïkus :



Ce qui concerne le pin,
l’apprendre du pin;
Ce qui concerne le bambou,
du bambou.


Bashô Matsuo







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