lundi 28 novembre 2022

Christian Bobin

 


Christian Bobin nous a quittés cette semaine. J'ai ressenti une grande tristesse de ne plus le voir et l'entendre. Mais ses œuvres restent et nous ne l'oublierons pas.

Quand je regarde un oiseau par la fenêtre ou que je contemple une fleur, je pense souvent à lui qui savait nous faire vivre ces moments comme des fêtes de la vie, des émerveillements toujours nouveaux.

J'aimais sa façon de nous parler et d'habiter poétiquement le monde, comme on le dit parfois.

Voici quelques mots qui nous parlent du temps, ses mots sont pour moi une méditation sur la vie qui va et qui vient :


Le temps perdu est comme le pain oublié sur la table, le pain sec. On peut le donner aux moineaux. On peut aussi le jeter. On peut encore le manger, comme dans l'enfance le pain perdu: trempé dans du lait pour l'adoucir, recouvert de jaune d'oeuf et de sucre, et cuit dans une poêle. Il n'est pas perdu, le pain perdu, puisqu'on le mange. Il n'est pas perdu, le temps perdu, puisqu'on y touche à la fin des temps et qu'on y mange sa mort, à chaque seconde, à chaque bouchée. Le temps perdu est le temps abondant, nourricier.
(La part manquante)


Avec le temps bien des gens lâchent. Ils disparaissent de leur vivant et ne désirent plus que des choses raisonnables.
(La plus que vive)

Le temps, j'en ai toujours eu besoin pour faire ce que j'avais à faire : rien.
(La folle allure)




À vingt ans, on danse au centre du monde. À trente, on erre dans le cercle. À cinquante, on marche sur la circonférence, évitant de regarder vers l'extérieur comme vers l'intérieur. Plus tard, c'est sans importance, privilège des enfants et des vieillards, on est invisible.
(La femme à venir)

Il y a une heure où, pour chacun de nous, la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C'est dans la lumière de cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble.
(Ressusciter) 

La mort ne change pas une vie en destin. Mourir ne referme pas le livre à sa dernière page, texte enfin déchiffrable.
(La plus que vive)


L'absence d'un mort nous inonde de sa présence et nous le rend encore plus cher.
(La lumière du monde)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un commentaire, entrez un profil : avec votre compte Google si vous en avez un, ou en anonyme ou encore avec un nom, le vôtre ou un pseudonyme.
Je lis les commentaires avant publication pour éviter les messages "toxiques" ou sans rapport avec notre association.
Merci d'avance de donner votre avis ou de partager avec nous vos idées ou découvertes.