dimanche 23 février 2014

En nous plusieurs vies

Kandinsky - Composition X


Au départ, c'est une histoire de sensations que nous raconte Jean-Claude Ameisen ( Sur les épaules de Darwin). Et il nous livre au passage cette réflexion sur nos émotions que le psychanalyste Adam Phillips décrit dans son livre : La meilleure des vies. A l'arrivée, j'ai trouvé tout cela si clair que je le retranscris ici.


Kandinsky - Blanc


"Emotion _ littéralement, ce qui nous meut.
Le désir, qui nous permet de ressentir à l'avance les états affectifs que nous espérons vivre ou revivre.
Et la peur, qui nous permet de ressentir à l'avance les états affectifs que nous ne voulons pas vivre ou revivre.
Et ainsi, nous vivons dans le moment présent, à la fois dans notre corps et dans notre esprit, des préfigurations d'expériences futures que nos souvenirs nous permettent de nous représenter, mais qui sont encore des fictions au moment où nous les vivons.
Le désir et la peur sont des états de notre corps et de notre esprit qui sont en chemin, en voyage, entre le déjà plus et l'encore à venir, entre notre passé et l'un de nos futurs possibles, entre nos souvenirs et notre anticipation de l'avenir.
Nous remarquons très vite, dès notre petite enfance, nous dit le psychanalyste et écrivain Adam Phillips, et c'est peut-être la première chose que nous remarquons, que nos besoins sont toujours potentiellement susceptibles de rester sans réponse. Nous voulons soudain, bébé, que notre mère nous donne la tétée, nous pleurons, nous appelons, mais il arrive qu'elle tarde.
Et parce que l'ombre de cette possibilité de ne pas obtenir ce que nous voulons est toujours présente, nous apprenons à prendre de la distance par rapport à nos besoins, c'est à dire que nous apprenons à appeler nos besoins des souhaits. Et nous apprenons ainsi à vivre dans un lieu indéterminé qui est situé quelque part entre la vie que nous vivons et la vie que nous aimerions vivre, et nos vies deviennent ces doubles vies que nous ne pouvons nous empêcher de vivre.


Kandinsky - Jaune rouge bleu I

Il y a toujours, nous dit Adam Phillips, ce qui deviendra la vie que nous menons, et la vie qui l'accompagne, la vie parallèle, qui n'est en fait jamais advenue, mais que nous vivons dans notre esprit.
Nous ne pouvons imaginer nos vies sans les vies non vécues qu'elle contiennent. Et ainsi, nos vies sont aussi définies par une perte, mais la perte de ce qui aurait pu avoir lieu,  la perte en d'autres termes, de ce dont nous n'avons jamais fait l'expérience.
Nos désirs et nos craintes, notre projection émotionnelle et affective dans le futur à partir de nos expériences passées, dessinent en nous en permanence des vies que nous n'avons pas réellement vécues, mais que nous avons ressenties, dont nous avons mentalement fait l'expérience.
Lorsque la vie à venir _ meilleure, plus pleine _ doit se retrouver dans celle que nous connaissons, la tâche se révèle considérable : voilà que quelqu'un nous demande, non plus de survivre, mais de nous épanouir, non plus seulement d'être bons, mais de faire de nos vies ce qu'il y a de mieux. L'exigence est d'une tout autre nature. L'histoire de nos vies devient l'histoire de vies que nous avons été empêchés de vivre."


Kandinsky - Plusieurs cercles

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