dimanche 15 mars 2015

L'éthique

J'ai trouvé dans le livre de Fabrice Midal sur la philosophie sorti très récemment (Comment la philosophie peut nous sauver. 22 méditations décisives) une définition très claire de l'éthique.


Fabrice Midal


Voici deux extraits de son texte :

"Nous avons perdu de vue la dimension éthique originaire que les Grecs ont su penser et que je crois indispensable de retrouver - et qui est tout aussi loin de la moralité que de l'immoralité.
L'éthique, nous dit Aristote, ne consiste nullement à déterminer ce que j'ai ou non le droit de faire , mais à découvrir une juste façon d'être. En ce sens, l'éthique nous engage à agir de la manière la plus juste et authentique possible - ce qui se décide à neuf à chaque fois."


Aristote


"Le savoir vivre ou l'intelligence de la situation".

Parmi les différentes vertus qui permettent d'agir de manière éthique, il en est une éminente, portant sur le fait même d'exister - qu'Aristote nomme phronèsis. Ce terme est habituellement traduit par "prudence". Je mets quiconque au défi de comprendre par ce mot ce qu'Aristote veut dire ici de profondément génial.
Il ne s'agit nullement d'être prudent. Il s'agit d'avoir un coup d’œil pénétrant, d'être avisé, d'avoir l'intelligence de la situation - que nous appelons plus couramment la conscience morale.
Aristote souligne à quel point ce savoir très spécifique vient de l'expérience, à la différence par exemple du savoir mathématique. Ainsi, dit-il, s'il n'y a de science que du général, la phronèsis est l'intelligence du particulier.
Vous pouvez savoir une fois pour toutes comment on calcule la surface du cercle, mais pour savoir comment agir dans une situation donnée, il faut être chaque fois en rapport avec ce qui a lieu précisément.
Pierre Aubenque, l'un des grands commentateurs d'Aristote, explique : "Serait-ce parce que l'homme n'est pas un dieu qu'il doit se contenter d'une sagesse appropriée à sa condition, la phronèsis ? La tragédie grecque était pleine d'interrogations de ce genre : qu'est-il permis à l'homme de connaître, que doit-il faire dans un monde où règne le hasard, que peut-il espérer d'un avenir qui lui est caché, comment rester l'homme que nous sommes dans les limites de l'homme ?".
Autrement dit, cette intelligence de la situation repose sur le savoir que, pour tout être humain, il n'y aura jamais de certitudes ou de manuel de comportement.
Notre fascination pour les résultats de la science nous conduit à déconsidérer cette connaissance si profondément humaine sous prétexte qu'elle n'est pas déterminable mathématiquement ni sujette à prédiction.
Fascinant paradoxe : nous comprenons habituellement l'éthique comme ce qui, reposant sur une réflexion rationnelle, pourrait nous donner une assurance indiscutable. or c'est exactement le contraire : l'éthique nous engage à nous relier le mieux possible, avec intelligence, à une situation par définition unique. Et les grands actes de résistance, par exemple contre le nazisme pour ceux qu'on appelle désormais les Justes, n'ont pas été des actions longuement réfléchies à l'aide de calculs rationnels. Ils ont été une réponse à un appel irrépressible : "Je ne pouvais pas faire autrement", qui s'accordait à la vérité de la violence du temps. Nous croyons que la morale consiste à suivre une loi extérieure nous disant si telle action ou telle autre est juste : elle est, affirme Aristote, la découverte de la loi qui nous est propre.
Troublant paradoxe : l'éthique ne nous est pas une loi externe, elle est ce qui nous accorde, nous et nous seul, à ce moment précis, au monde.
Tel est ce qu'on désigne en vérité par sagesse : le fait d'être juste dans les situations les plus concrètes de la vie quotidienne."


Talking buds de Fabienne Verdier


J'apprécie énormément ce genre d'analyse simple et abordable qui peut être comprise aisément par tous et cette définition de l'éthique personnelle, venant tout droit d'Aristote en est un bel exemple.

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