dimanche 17 juin 2018

Serendipité


Voici un mot un peu incongru et qui m'a interpellée. je l'avais déjà croisé lors d'une ou deux lectures et je l'ai retrouvé à plusieurs reprises dans un livre très intéressant sorti récemment : Savoir, penser, rêver, dans lequel des scientifiques nous racontent leur parcours et ce qui fait leur passion pour leurs recherches.




Je reprends le passage écrit par Hubert Reeves sur le sujet :
"Un conte persan, Voyages et aventures des trois princes  de Serendip, narre les exploits de trois frères, dont la force est de toujours tirer parti des circonstances et des événements hasardeux qui les détournent de leur mission. La science, amatrice d'histoires extraordinaires, en a fait une vertu : la serendipité, aptitude à faire "par hasard", lors d'une recherche, une découverte inattendue."
"Les exemples de serendipité ne manquent pas dans l'histoire des sciences. Tout le monde connait la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming ou celle du four à micro-ondes par des militaires d'un laboratoire britannique. Le premier ouvrit de grands yeux  en désinfectant ses boîtes de Pétri accidentellement contaminées.  Les seconds, qui travaillaient sur un appareil capable, à l'aide d'ondes ultra-courtes, de détecter les appareils en vol, furent surpris de constater qu'ils se brûlaient les doigts quand ils touchaient les parties en bois de l'appareil, et non ses parties métalliques_ la raison en est simple : sous l'effet desdites ondes, les molécules d'eau qu'on trouve dans le bois (ou dans la nourriture) vibrent et produisent de la chaleur.
L'invention du velcro est un autre merveilleux exemple de serendipité : l'idée est venue à un ingénieur suisse qui eut le "malheur", un jour, de rentrer chez lui avec plein de petits fruits de bardane accrochés à ses vêtements..."
En fait, nous sommes tous concernés par la serendipité : nous cherchons quelque chose sur Internet, on navigue de lien en lien, et bientôt on trouve ce qu'on ne cherchait pas et qui s'avère plus intéressant que ce qu'on cherchait.




Mais que raconte le conte persan à l'origine de ce nom ?
"Giafer, philosophe-roi de Serendip, ancien nom de l'île de Ceylan, avait trois fils. Pour parfaire leur éducation, il les envoie explorer le monde. Sur les terres de l'empereur Behram, ils rencontrent un chamelier qui leur demande si, par hasard, ils n'ont pas vu un de ses chameaux égarés. "N'est-il pas borgne et boîteux ? Ne lui manque-t-il pas une dent ? Ne transporte -t-il pas d'un côté du miel et de l'autre du beurre ? ". Le chamelier est abasourdi. En réalité, les princes n'ont pas vu la bête, mais interprété avec subtilité certains indices et par raisonnement , conclu que le chameau était le chameau recherché ; l'herbe était rongée d'un seul côté du sentier, des bouchées à demi-mâchées, de la largeur d'une dent, jonchaient le sol , des fourmis, aimant le gras, s'étaient agglutinées sur le bord droit de la route, alors que, sur le côté gauche, voletaient des mouches, amatrices de miel...
Ce conte oriental a été traduit du persan en français, par le chevalier de Mailly en 1719. 
Mais ce n'est pas la véritable origine de ce terme, dont on trouve plusieurs variantes dans des traditions diverses et même dans le Zadig de Voltaire.Le mot serendipité a été créé en 1754 par l'écrivain anglais Horace Walpole, dans une lettre à un lointain cousin. Il y fait référence aux princes de Serendip, et utilise le terme de "serendipity" pour désigner la faculté de "découvrir par hasard et sagacité, des choses qu'on ne cherchait pas."



Pour compliquer encore un peu, le terme ne se limite pas aux cas de découvertes accidentelles. La découverte implique "l'art de l'interprétation des traces et des signes", la synergie entre humanités, arts et sciences, la disponibilité de l'esprit à accueillir ce qui le surprend et le déroute. Ce que nous pouvons tous cultiver en étant ouverts et positifs.
Voilà qui nous entraîne bien loin, mais l'étrangeté de ce mot ne nécessite-t-elle pas quelques recherches ?





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