dimanche 2 février 2020

L'attention



En écoutant parler François Cheng, l'autre soir, à la grande librairie, je me suis dit qu'il fallait une telle qualité de concentration pour l'écouter et le suivre que c'en était extraordinairement prenant.  Cette attention que son écoute me demandait nécessitait aussi de me mettre en situation de ne rien savoir et d'être présente à cette pensée qui se déroulait pour nous, si riche, si aboutie qu'on sentait bien que c'était le résultat de toute une vie qu'il nous livrait.
Cette expérience de l'écoute profonde de François Cheng était d'une grande intensité et m'a donné le sentiment d'un cadeau magnifique. J'admire son humilité et sa générosité de partage. 




J'ai retrouvé des remarques sur l'attention dans une des chroniques de Fabrice Midal (Trois minutes de philosophie pour devenir humain). En voici un extrait :

« L’attention,
miracle
à la portée de tous
à tout instant. » Simone Weil

"Se délivrer de l’addiction numérique
Évoquer la nécessité de l’attention prend un éclat tout particulier à l’heure où toute une industrie de masse nous vole notre capacité à faire attention. Toutes les enquêtes récentes montrent que le temps où nous pouvons maintenir notre attention est de plus en plus court, de l’ordre de 9 à 10 secondes. Au-delà, notre cerveau tend à décrocher : il nous faut un nouveau stimulus, un nouveau signal, une nouvelle alerte, une autre recommandation. Nous espérions que le numérique allait étendre nos capacités de connaissance et de relation, il est en train de les restreindre. Une étude de l’Association américaine de psychologie publiée en 2017 a montré qu’une personne passe en moyenne 2,8 secondes devant une œuvre d’art dans un musée. Impossible dans ces conditions qu’une œuvre d’art nous réjouisse vraiment. Prenez soin d’écouter attentivement votre interlocuteur Essayez d’être attentif la prochaine fois que vous aurez une conversation avec quelqu’un. Eh oui, ce n’est pas si facile. On ne sait, en réalité, pas trop comment faire. On a tendance à raidir les muscles, à serrer les mâchoires. On croit qu’il faut faire attention. Mais cela ne fait que nous crisper. Ce qui importe est, tout au contraire, de se rendre disponible. Ce qui implique d’accepter une certaine forme d’incertitude. Pour écouter ce que l’autre a à nous dire, il faut que je consente à ne pas savoir à l’avance ce qu’il va me dire. Comme c’est inconfortable, nous avons tendance à chercher à fuir cette situation. Les nouvelles technologies le savent bien. En s’appuyant sur la connaissance que nous donnent de notre cerveau les neurosciences, elles sursollicitent notre attention pour justement nous permettre de ne plus ressentir cette incertitude. Mais c’est là un soulagement empoisonné. Car nous sommes ainsi peu à peu coupés de notre propre existence, de ce que nous sentons, de ce que nous voulons. Nous sommes dépossédés de nous-mêmes. Voilà un étrange paradoxe : plus je regarde mon téléphone portable, consultant telle ou telle application, plus je me vide et m’isole. À l’inverse, plus j’écoute l’autre en acceptant de ne pas savoir d’avance ce qu’il me dit, et, paradoxalement, plus j’entre dans une relation profonde et vraie et plus je me retrouve."

Voilà ce que procurait l'écoute de François Cheng !

« L’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité. » nous dit Simone Weil, dans sa correspondance avec Joël Bousquet.



Quant au contenu de l'émission avec François Cheng, sans doute aurons-nous l'occasion d'en reparler...

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