Jean-Claude Carrière nous a quittés... J'ai aussitôt ressorti "Le cercle des menteurs" pour retranscrire un conte qui nous parle de la mort.
Voici donc ce récit issu de la tradition arabe:
La danse de mort
Deux princes s'affrontèrent en une très rude bataille. L'un des deux, celui qui s'était soulevé contre l'autre, fut vaincu et traîné en captivité. Il savait qu'il devait avoir la tête tranchée, pour maintenir fermes les lois de l'empire. Cependant, comme il s'agissait d'un prince de haute lignée, le vainqueur l'installa magnifiquement dans l'un des palais et le fit traiter selon son rang. Serviteurs, musiciens, danseuses, s'empressaient autour de lui et sa captivité semblait une fortune.
Mais le prince captif, qui savait qu'il allait mourir, gardait un visage triste au milieu des fêtes. Des semaines, des mois, passèrent ainsi, jusqu'au jour où le rebelle condamné fit parvenir un message au vainqueur en lui demandant comme une grâce une mort rapide.
Le lendemain, le vainqueur invita le vaincu dans son propre palais. Le repas, la musique et les danses apparurent incomparables à tous les convives_ sauf au captif qui gardait son visage triste et qui soudain s'écria :
_ Quand me donneras-tu la mort ?
_ Elle vient, répondit le vainqueur. Regarde, voici le premier de mes bourreaux.
Un homme superbe et masqué, qui tenait à la main droite un sabre étincelant, pénétra dans la grande salle et se mit à danser. Il dansait avec une force, avec une élégance extraordinaires. Son épée volait dans l'air avec grâce. Tous le regardaient avec fascination, tous, même le prince captif, auprès duquel le bourreau-danseur passa à plusieurs reprises.
La danse merveilleuse dura longtemps, jusqu'à ce que le captif, sortant de sa fascination, dise au prince vainqueur :
_ Mais combien de temps durera cette danse ? Quand me feras-tu trancher la tête ?
Le vainqueur lui répondit en souriant :
_ Mais ta tête est déjà tranchée. Penche-toi un peu en avant, tu verras, elle va tomber.
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