Le stage sur Sedna nous a rappelé le lien intime à la nature que les femmes ont su garder au fil des temps, par-delà le patriarcat et la domination du masculin sur la nature. Les femmes ont un lien organique avec la nature et ses cycles, elles donnent la vie et savent depuis très longtemps que l'homme fait partie de la nature, comme tout animal, plante ou rocher. La connaissance des plantes qui guérissent, des chants qui parlent aux esprits, du dialogue avec les animaux et les plantes leur est connue. Elles ont dû l'oublier pour ne pas être bannies comme sorcières mais le savoir est toujours là, en attente pour celles et ceux qui veulent s'en saisir. C'est le pouvoir du féminin que l'on retrouve chez les femmes mais aussi chez les hommes..
Actuellement, ce savoir est redécouvert partout dans le monde, souvent grâce aux peuples qui n'ont pas connu notre civilisation. Ce sont alors les chamanes qui initient aux secrets anciens car dans nos contrées, ces connaissances attribuées aux "sorcières" ont souvent été perdues.
Tous ces chamanes, féminins ou masculins, qui savent parler à la nature nous aident à recréer ce lien. Sylvain Tesson dans son livre : Un été avec Rimbaud, compare le poète à un chamane.
Il définit ainsi la fonction du poète dans "Rimbaud allégeance au réel":
"Le Monde demeurera inerte si le poète ne le féconde pas de son regard. Sachez que tout dort autour de nous, la vie est figée dans l'Heure Bleue, la campagne est pétrifiée, le monde en suspens. Mais si le poète passe, il vivifiera le réel. "
Imaginons le jeune homme dans sa forêt des Ardennes, fervent adepte des écoles buissonnières et si rapide à s'enivrer d'air pur en totale contemplation devant la Nature. D'une enfance baignée dans la vibration des arbres et de sa terre natale, Arthur Rimbaud a gardé cette imprégnation profonde. Chaque fleur, chaque brin d'herbe est vivant et communique avec lui, et son poème vient à nous pour témoigner de cet échange subtil.
Pour approfondir son propos, Sylvain Tesson confirme les compétences du poète : "Il savait marcher puisqu'il savait voir. Il avance souplement. L'Ardenne est un vieux bois magique, traversé par les rayons et les ombres." Dans sa perception de l’invisible, le poète, au contact de la Nature, rapporte des sensations troublantes et pourtant tangibles.
Sylvain Tesson, l’écrivain qui, au cours de ses nombreux voyages, a rencontré les peuples ancestraux, précise qu’il suffit "de les regarder vraiment, pour que les fleurs disent leur nom. Comme devant les yeux d'un chamane de la forêt amazonienne, entrer en conversation avec la plante dont il vient d'absorber le suc, l’alphabet du vivant a composé le poème pour Arthur. Le poète n’a plus qu’à cueillir les visions, et à les transcrire".
En immersion absolue avec la Nature, la conscience accrue du poète ouvre un espace intérieur nouveau, riche de sensations et de perceptions. Cette ouverture est comparable à la conscience augmentée du chamane, cet homme qui se présente comme intermédiaire entre l'Humanité et les esprits de la Nature.
Sylvain Tesson nous éclaire un peu plus : "Là-bas aussi dans les forêts tropicales, les fleurs ont des yeux, les sous-bois, des oreilles, et les bêtes, des langages seulement accessibles à l'initié. Les visions de Rimbaud ne proviennent donc pas du détraquement de sa perception. La poésie, c'est le réel".
Cette approche sensible de la vibration du Vivant et du réel du Monde est accessible autant au poète qu'au chamane. Leur psychisme capte ce que la plupart des hommes ne voient pas, ne perçoivent pas, ce qui est relégué dans l’invisible, mais qui, pourtant, importe et agit.
Comme les chamanes qui maintiennent l’équilibre spirituel, environnemental et social de leur communauté, en entrant en communication avec les esprits de la Nature, le poète joue ce rôle de passeur d'émotions.
L’écrivain, Vincent Ravalec, associe, lui aussi, le chamane et le poète :
"Vous êtes en réalité augmentée, vous avez une vision qui se superpose à la réalité, de la même manière que lorsque vous avez un regard poétique sur le Monde."
En se plongeant dans la Nature dans un élan vital et créateur, le poète ose se perdre, sort de lui-même et rejoint l'unité, le présent et tout l’univers. Le chamane ose aussi se perdre et sortir de lui-même, pour le bien de sa communauté.
Albert Einstein ne disait-il pas :
"Un être humain est une partie du tout que nous appelons Univers, une partie limitée par l'Espace et le Temps. Il s'expérimente comme séparé du reste... Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser, dans leur beauté, toutes les créatures vivantes et l'ensemble de la Nature."(textes extraits d'un article sur France Inter)
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