lundi 21 février 2022

Beauté de la nature

Le spectacle de la beauté nous est offert par la nature et nous restons sans voix devant toutes ces merveilles. Pourtant ces moments sont encore plus magnifiques lorsque nous pouvons partager notre émotion avec nos compagnons ou simplement sentir dans leur regard le même émerveillement que le nôtre. Aujourd'hui, nous nous tournons vers la Chine avec un auteur du VIII e siècle : Wang Wei et un auteur d'origine chinoise devenu français : François Cheng. 


Au milieu de l'âge, épris de la Voie

Sous le Chung-nan, j'ai choisi mon logis.
Quand le désir me prend, seul je m'y rends :
Seul aussi à jouir d'ineffables vues...
Marcher jusqu'au lieu où tarit la source,
Et attendre, assis, que se lèvent les nuages.
Parfois, errant, je rencontre un ermite :
On parle, on rit, sans souci du retour.
Wang Wei. Mon refuge au pied du mont Chung Nan (VIIIe siècle).


Nous voici au lever du jour, au sommet de la montagne :

"Personnellement, si je suis fidèle au rendez-vous du couchant sur la mer, ou sur le fleuve, je ne me lasse pas de l'apparition du grand astre au sommet d'une montagne. La première fois, ce fut sur un vieux mont situé au sud de la Chine.

Après une journée de pénible ascension, nous nous approchons de la cime noyée dans les nuages, nous pénétrons dans la solennité de grands conifères multicentenaires dont la senteur résineuse nous enivre, nous fait communier avec l'univers le plus archaïque -sentiment d'originel. Accueillis par des moines dans un temple, nous nous délestons de tout. La nuit est déjà tombée. Une ablution à même la cascade, un repas frugal, nous nous abandonnons à un sommeil bercé par les clochettes suspendues au coin de l'auvent.

A cinq heures, nous grimpons jusqu'à une terrasse haut perchée, formée opportunément par de gros rochers plats. Les uns debout, d'autres assis, riant, bavardant, nous sommes une trentaine à attendre là, dans le noir épais que traversent de temps à autre des oiseaux de nuit lourds de pressentiments. Plus loin, on devine une rangée de montagnes faisant un rempart qui sépare "ce côté-ci et l'au-delà".

Brusque silence quand un trait de lueur traverse l'horizon - coup de gong nous frappant au cœur, coup d'épée déchirant les ténèbres. La lumière fait signe, la vie s'annonce, plus rien ne peut l'en empêcher. Pathétique mais sûr, centimètre par centimètre, le disque lumineux émerge des ombres. Happés par le sacré, les yeux inondés de larmes, nous nous taisons, jusqu'à ce que l'astre s'offre de toute sa rondeur, indéniable, aussi impérieux qu'irrésistible.

C'est alors que nous explosons en applaudissements, en hourras comme pour faire chorus avec les nuages qui s'embrasent, resplendissent de tous les coloris dont l'univers est capable."

(Devant tant de splendeur, un sentiment d’accablement peut nous saisir. Qui sommes-nous ? Que faisons-nous là ? Grains de poussière, n’avons-nous pas plutôt l’air penauds, un peu ridicules ? On pourrait effectivement céder à un petit ricanement cynique. Une autre voix, cependant, se fait entendre : « Grains de poussière, oui. Mais tu es celui qui a vu. Avoir vu n’est pas une mince affaire. Personne ne peut plus faire que tu n’aies pas vu. Le fait ‘avoir vu est ineffaçable.)

"On a beau te répéter que l'univers existe depuis des milliards d'années, toi tu es là pour la première fois. Tu vois le ciel se lever et éclairer le monde comme si tu assistais à son avènement. L'univers advient à mesure que tu adviens. Cet instant de rencontre donne sens à toi comme à l'univers - instant rejoignant l'éternité, instant d'éternité."

François CHENG





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