mardi 22 mai 2012

L'astrologue médiéval



Je vous livre aujourd’hui une histoire d’étoiles et d’astrologue, une histoire médiévale que j’ai extraite des « Contes des sages qui lisent dans les étoiles », petit livre de contes tournés vers le ciel. Certes, l’inspiration de cet astrologue ne relève pas uniquement  de la lecture des cartes   mais l’histoire est plaisante à lire et à écouter, laissons-nous donc  emporter… 







L’étole de l’étoile

L’astrologue-philosophe Aurélien de Béard, dit le Bien-Assis, regardait le soleil disparaître à l’horizon. Il voyait poindre les premières étoiles avec soulagement : la contemplation de la voûte céleste lui apportait la clarté de l’esprit. Au matin, il devrait choisir ce qu’il dirait à son seigneur. Car lire dans les étoiles, ce n’était pas consulter un livre écrit à l’avance. Il fallait humer, entrevoir l’action juste. Il sourit à sa jeunesse éclairée. Il avait connu Abu Nasr Muhammad, dit Al-Farabi, lors d’un voyage en Orient et était resté des années à ses côtés. Le jeune homme élevé dans la rigueur chrétienne avait suivi un maître du bonheur sur les grands chemins. Sa vision du monde avait été transformée. Le conseiller-astrologue de l’émir Sayt al-Dawla, consulté par les princes, éclaircissait les allées sinueuses du destin. Après avoir reçu sa vision dans le désert, il prophétisait l’avènement d’une Cité juste et cheminait en totale harmonie avec le monde. Musicien, il encourageait chacun à jouer sur le corps-instrument qu’il avait reçu, son rythme et sa propre mélodie. Les astres influençaient nos destinées, ils ne déterminaient pas tout. Ils traçaient les possibles que le sage transcende en complicité avec les flots de l’intelligence.

Aurélien de Béard se dit que sa responsabilité était de rester un homme libre, un astrologue-équilibriste, jouant de révélation et de raison, usant de préscience et d’ingénuité devant le mystère. Il avait une nuit pour sortir du dilemme auquel il était confronté. Les complots avaient rendu le climat infect, il était salutaire de crever l’abcès. Ainsi l’exigeait le roi. Mais les solutions s’avéraient sinon toutes violentes, du moins entachées de férocité.

Reprenant ses notes, il considéra les thèmes des protagonistes, leurs aspects planétaires en Sagittaire (on était début décembre), les conjonctions favorables et les carrés. Il fit comme son maître lui avait enseigné, confrontant les issues dans leurs aspects vertueux ou sordides, jaugeant les cœurs résistant à la fatalité, cherchant la voie précieuse de la nature première, la fitra insaniyya, l’écho de la liberté. Une image insolite lui vint à l’esprit : Isabeau, la fille du seigneur du comté voisin, en train d’accoucher !?!
Elle portait une étole bleu nuit et une étoile d’or,  brodée. Des courtisans ôtaient leurs habits de chasse, jetant dagues, lames et arbalètes devant le lit. Une étoile filante traversa le ciel faisant le signe paradoxal des déterminations effacées.

Ainsi, la solitude politique du roi était la croûte de son esseulement. Que le jeune souverain épouse Isabeau, qu’ils aient un enfant, modifiait tout l’écheveau des influences grossières. Il suffisait de poser une étole et que l’étoile scintille sur le duché. Aurélien pensa à Aristote et à Platon, referma son carnet et murmura un chant d’Ali ibn Nafi, le savant dit Merle Noir, le poète-astrologue qui faisait des prédictions chantées.

 Il savait ce qu’il dirait à son seigneur et que son seigneur l’écouterait.

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