lundi 11 février 2013

La prière

Voici encore une fois Victor Hugo, avec un magnifique poème qui nous touche au plus profond  parce qu'il y décrit précisément la quête éternelle de l'homme. La fin libère de toutes les peurs et de l'impuissance. A lire et relire puis à mettre en pratique...



Victor Hugo (Les contemplations)

Le Pont

J'avais devant les yeux les ténèbres. L'abîme
Qui n'a pas de rivage et qui n'a pas de cime,
Était là, morne, immense; et rien n'y remuait.
Je me sentais perdu dans l'infini muet.
Au fond, à travers l'ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m'écriai: -- Mon âme, ô mon âme! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n'apparaît,
Et pour qu'en cette nuit jusqu'à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions d'arches.
Qui le pourra jamais! Personne! ô deuil! effroi!
Pleure! -- Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetai sur l'ombre un oeil d'alarme,
Et ce fantôme avait la forme d'une larme;
C'était un front de vierge avec des mains d'enfant;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l'abîme où va toute poussière,
Si profond, que jamais un écho n'y répond;
Et me dit: -- Si tu veux je bâtirai le pont.
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.
-- Quel est ton nom? lui dis-je. Il me dit: -- La prière. 



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