Cette semaine, un très intéressant article dans Telerama a retenu mon attention. Il nous parle de Gaïa et des théories qui se développent autour de ce concept créé en 1970.
Je me propose de vous résumer l'article, et si ce sujet vous intéresse, je vous conseille de lire l'original.
Gaïa, la déesse, Terre mère redoutable et toute puissante de la Grèce ancienne, est devenue une déroutante hypothèse scientifique, formulée au début des années 1970 par James Lovelock et Lynn Margulis, deux scientifiques anglais et américains. La terre, selon eux, n'est pas une matière inerte. Si la vie a pu y prospérer, c'est parce qu'elle constitue une énorme entité composée d'interactions entre différents écosystèmes, comprenant la biosphère terrestre, l'atmosphère et les océans. Chacune de ses composantes interagit de façon à maintenir un environnement optimal pour la vie. Gaïa est un gigantesque être vivant, capable d’auto-contrôler sa température et la composition de sa surface, selon James Lovelock.
D'abord rejetée, cette hypothèse a repris du galon, surtout parce qu'il devient évident que nous sommes face à des changements environnementaux globaux. La biodiversité se réduit. L'effet de serre augmente. Le climat se réchauffe à très grande vitesse.
On peut également évoquer l'histoire d'une autre façon avec le nouvel âge géologique, l'anthropocène, popularisé par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie. Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, l'anthropos -l'homme- est devenu la force géophysique qui modifie le plus la planète. En l'espace de deux générations, nous voilà confrontés à l'anthropocène et à l'obligation de prendre en charge la biosphère et l'atmosphère. Nous sommes contraints de repenser l'histoire humaine à l'échelle géologique, à la fois vers le passé et vers le futur, puisque nos émissions de carbone nous engagent pour des milliers d'années : cet éclatement des horizons donne le vertige.
Puis des philosophes viennent à leur tour élaborer une pensée autour de ce nouvel âge.
Et ils nous expliquent pourquoi il est difficile pour nous de réagir et de faire attention à ce qui se passe à l'échelle de la planète. "C'est toute la difficulté du changement climatique; nous ne pouvons en faire l'expérience en tant que tel, car c'est une construction, un grand récit scientifique qui reste déconnecté de la vie quotidienne, en particulier dans les mégalopoles globalisées où conditions et modes de vie nous insensibilisent" nous dit Patrick Degeorges.
L'anthropocène est, selon Bruno Latour, le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité. L'anthropocène et Gaïa sont deux concepts élaborés par des chercheurs de sciences exactes, extraordinairement plus en avance sur leur époque que toute une flopée d'intellectuels, de politiques, d'artistes, qui ne s'intéressent qu'à l'histoire des êtres humains, nous dit-il.
On voit là le premier intérêt de Gaïa pour les philosophes : mettre les pieds dans le plat de l'anthropocentrisme, bouleverser l'habitude des modernes de ne parler que d'eux, à travers la nature et tous les non-humains ( animaux, microbes, montagnes...). Les humains ne sont pas le centre de la vie, pas plus qu'aucune espèce. Ils constituent une partie qui croît rapidement dans un énorme tout ancien.
Le philosophe Bruno Latour nous offre des clés pour mieux cerner cette entité étrange qu'est Gaïa. Elle nous conduit surtout à une injonction à repenser la politique, si seulement on prend au sérieux ce que nous dit Gaïa, à l'ère de l'anthropocène.
Le créateur de Gaïa, James Lovelock nous dit qu'elle est en colère et qu'elle prend sa revanche.
Certes il fait appel à une métaphore guerrière pour nous faire (ré)agir, mais est-ce bien de ce type de relation dont nous avons aujourd'hui besoin, se demande Emilie Hache ?
La version de Lynn Margulis lui est généralement préférée : elle nous propose une entité ni protectrice ni malfaisante dans sa relation à l'humanité. Gaïa s'en sortira toujours, qu'on soit là ou non. Elle n'a pas besoin de nous, humains comme non humains. Nous ne pouvons mettre fin à la nature, mais nous pouvons nous menacer nous-mêmes.
L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète.
Bien traiter Gaïa nous oblige à retrouver "l'art de faire attention" et à redevenir sensibles, nous aussi, non pas parce qu'elle serait fragile, mais parce que nous dépendons d'elle pour vivre.
Nous ? L'homme de l'anthropocène est composé d'hommes aux intérêts contradictoires, aux cosmos opposés, des adversaires en guerre. Comme le résume Bruno Latour : "Nous sommes dans Babel après la chute de la tour géante".
La question que Gaïa nous oblige à affronter, c'est quelle politique adopter à l'âge de l'anthropocène ?
"Nous devons identifier nos ennemis et nos alliés, les gens de Gaïa, ceux qui ne se disent pas seulement humains. Ni la nature, ni Dieu n'apportent d'unité et de paix. Mais les gens de Gaïa, ceux qui se disent Terriens, peuvent peut-être devenir les artisans de la paix."
Cette réflexion globale, m'a particulièrement réjouie, même si le monde de Gaïa peut paraître à la fois effrayant et fabuleux.
Je repense aussi, avec cette idée que l'enjeu de l'homme est de se protéger lui-même, à la phrase de mon article précédent : "Maintenant, je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : "Mon Dieu, aide-moi à me changer. Et voilà que le monde change autour de moi".
Cet article de Weronika Zarachovicz est inspiré des Gifford lectures et des interventions de Bruno Latour., philosophe, anthropologue, sociologue français. Des articles très intéressants sur la théorie de Gaïa sont également disponibles sur Wikipedia.
Je me propose de vous résumer l'article, et si ce sujet vous intéresse, je vous conseille de lire l'original.
Gaïa, la déesse, Terre mère redoutable et toute puissante de la Grèce ancienne, est devenue une déroutante hypothèse scientifique, formulée au début des années 1970 par James Lovelock et Lynn Margulis, deux scientifiques anglais et américains. La terre, selon eux, n'est pas une matière inerte. Si la vie a pu y prospérer, c'est parce qu'elle constitue une énorme entité composée d'interactions entre différents écosystèmes, comprenant la biosphère terrestre, l'atmosphère et les océans. Chacune de ses composantes interagit de façon à maintenir un environnement optimal pour la vie. Gaïa est un gigantesque être vivant, capable d’auto-contrôler sa température et la composition de sa surface, selon James Lovelock.
D'abord rejetée, cette hypothèse a repris du galon, surtout parce qu'il devient évident que nous sommes face à des changements environnementaux globaux. La biodiversité se réduit. L'effet de serre augmente. Le climat se réchauffe à très grande vitesse.
Accélération de la fonte de l'arctique |
On peut également évoquer l'histoire d'une autre façon avec le nouvel âge géologique, l'anthropocène, popularisé par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie. Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, l'anthropos -l'homme- est devenu la force géophysique qui modifie le plus la planète. En l'espace de deux générations, nous voilà confrontés à l'anthropocène et à l'obligation de prendre en charge la biosphère et l'atmosphère. Nous sommes contraints de repenser l'histoire humaine à l'échelle géologique, à la fois vers le passé et vers le futur, puisque nos émissions de carbone nous engagent pour des milliers d'années : cet éclatement des horizons donne le vertige.
Puis des philosophes viennent à leur tour élaborer une pensée autour de ce nouvel âge.
Et ils nous expliquent pourquoi il est difficile pour nous de réagir et de faire attention à ce qui se passe à l'échelle de la planète. "C'est toute la difficulté du changement climatique; nous ne pouvons en faire l'expérience en tant que tel, car c'est une construction, un grand récit scientifique qui reste déconnecté de la vie quotidienne, en particulier dans les mégalopoles globalisées où conditions et modes de vie nous insensibilisent" nous dit Patrick Degeorges.
Océan de plastique |
L'anthropocène est, selon Bruno Latour, le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité. L'anthropocène et Gaïa sont deux concepts élaborés par des chercheurs de sciences exactes, extraordinairement plus en avance sur leur époque que toute une flopée d'intellectuels, de politiques, d'artistes, qui ne s'intéressent qu'à l'histoire des êtres humains, nous dit-il.
On voit là le premier intérêt de Gaïa pour les philosophes : mettre les pieds dans le plat de l'anthropocentrisme, bouleverser l'habitude des modernes de ne parler que d'eux, à travers la nature et tous les non-humains ( animaux, microbes, montagnes...). Les humains ne sont pas le centre de la vie, pas plus qu'aucune espèce. Ils constituent une partie qui croît rapidement dans un énorme tout ancien.
Le philosophe Bruno Latour nous offre des clés pour mieux cerner cette entité étrange qu'est Gaïa. Elle nous conduit surtout à une injonction à repenser la politique, si seulement on prend au sérieux ce que nous dit Gaïa, à l'ère de l'anthropocène.
Le créateur de Gaïa, James Lovelock nous dit qu'elle est en colère et qu'elle prend sa revanche.
Certes il fait appel à une métaphore guerrière pour nous faire (ré)agir, mais est-ce bien de ce type de relation dont nous avons aujourd'hui besoin, se demande Emilie Hache ?
La version de Lynn Margulis lui est généralement préférée : elle nous propose une entité ni protectrice ni malfaisante dans sa relation à l'humanité. Gaïa s'en sortira toujours, qu'on soit là ou non. Elle n'a pas besoin de nous, humains comme non humains. Nous ne pouvons mettre fin à la nature, mais nous pouvons nous menacer nous-mêmes.
L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète.
Bien traiter Gaïa nous oblige à retrouver "l'art de faire attention" et à redevenir sensibles, nous aussi, non pas parce qu'elle serait fragile, mais parce que nous dépendons d'elle pour vivre.
Nous ? L'homme de l'anthropocène est composé d'hommes aux intérêts contradictoires, aux cosmos opposés, des adversaires en guerre. Comme le résume Bruno Latour : "Nous sommes dans Babel après la chute de la tour géante".
La question que Gaïa nous oblige à affronter, c'est quelle politique adopter à l'âge de l'anthropocène ?
"Nous devons identifier nos ennemis et nos alliés, les gens de Gaïa, ceux qui ne se disent pas seulement humains. Ni la nature, ni Dieu n'apportent d'unité et de paix. Mais les gens de Gaïa, ceux qui se disent Terriens, peuvent peut-être devenir les artisans de la paix."
Bruno Latour |
Cette réflexion globale, m'a particulièrement réjouie, même si le monde de Gaïa peut paraître à la fois effrayant et fabuleux.
Je repense aussi, avec cette idée que l'enjeu de l'homme est de se protéger lui-même, à la phrase de mon article précédent : "Maintenant, je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : "Mon Dieu, aide-moi à me changer. Et voilà que le monde change autour de moi".
Cet article de Weronika Zarachovicz est inspiré des Gifford lectures et des interventions de Bruno Latour., philosophe, anthropologue, sociologue français. Des articles très intéressants sur la théorie de Gaïa sont également disponibles sur Wikipedia.
Pas besoin de passer par cette pseudo-philosophie qui a surtout pour effet d’embrumer les esprits. Il suffit de dire qu'il va juste maintenant falloir s'habituer à agir et se comporter en pensant systématiquement aux conséquences (pour faire référence à des travaux plus accessibles : http://vertigo.revues.org/9468 ).
RépondreSupprimerJe crois que l'avenir de l'humanité est l'affaire de tous et pas seulement des scientifiques. Il m'a paru intéressant de reprendre ces thèses qui apportent un éclairage nouveau par rapport à ce qu'on entend généralement. Il est bien sûr intéressant de se reporter aux travaux scientifiques et je vous remercie de nous fournir ce lien qui est aussi source d'éclairage.
RépondreSupprimer