dimanche 1 novembre 2015

Un seul corps



Si nous voulons devenir totalement nous-mêmes, nous devons revendiquer le corps - et même considérer que sa douleur et ses limites sont les nôtres. Alice Miller, qui consacra sa vie à mettre en valeur notre être authentique, nous dit que ce corps est une clé :

"La vérité de notre enfance est conservée dans notre corps; bien que nous puissions la réprimer, jamais nous ne pourrons l'altérer. Notre intellect peut être trompé, nos sentiments manipulés, nos conceptions troublées et notre corps mystifié par des médicaments. Mais un beau jour, notre corps va nous présenter l'addition car il est incorruptible comme un enfant qui, l'esprit entier, n'accepte aucun compromis ni aucune excuse. Il ne cessera de nous tourmenter jusqu'à ce que nous arrêtions de fuir la vérité."  




Vivre avec sagesse au jour d'aujourd'hui, dans son propre corps, tel qu'il est dans cette vie, c'est ce que nous propose Pema Chödrön, avec cette compréhension qu'elle nomme : "la sagesse de ne pas fuir".

" Il est utile de réaliser qu'ici, assis en méditation ou accomplissant les choses simples de tous les jours _ travailler, marcher dehors, parler aux gens, manger, aller aux toilettes _ est en fait exactement ce dont nous avons besoin pour être pleinement éveillés, totalement vivants, parfaitement humains. Il est utile de réaliser également que le corps que nous possédons, ce corps qui est assis ici-même, maintenant, dans cette pièce, ce corps qui est parfois douloureux et cet esprit que nous avons à l'instant même sont exactement ce qu'il nous faut pour être totalement humains, totalement éveillés et totalement vivants. En outre, les émotions que nous avons juste à l'instant, qu'elles soient négatives ou positives, sont ce dont nous avons réellement besoin. C'est exactement comme si nous cherchions alentour quelle pourrait être la plus grande richesse qu'il nous serait possible d'avoir pour mener une vie décente, bonne, totalement satisfaisante, énergique et inspirée, et que nous trouvions cette richesse ici même". 




Tsongkhapa, grand maître tibétain du passé, disait : "Ce corps humain est plus précieux que le plus rare des joyaux. Soigne ton corps; il est à toi pour cette fois seulement...une belle chose qui meurt."


"Le bourgeon
existe pour toutes les choses,
même pour celles qui ne fleurissent pas, 
car tout fleurit de l'intérieur, de par sa propre bénédiction;
cependant il est parfois nécessaire,
de réapprendre à une chose sa beauté,
de poser une main sur le contour
d'une fleur
et de lui redire en paroles et en touchers
qu'elle est belle
jusqu'à ce qu'elle fleurisse à nouveau, de l'intérieur,
de par sa propre bénédiction;
comme Saint-François
qui posa la main sur le front plissé
de la truie lui offrant par la parole et le toucher
les bénédictions de la terre pour les truies; alors la truie
commença à se souvenir de son corps volumineux,
allant de son groin plein de terre, toujours dans la nourriture et la fange,
jusqu'à la délicate courbure de sa queue...
la grande et parfaite beauté d'une truie."
Galway Kinnell




Et après ce texte magnifique sur la bénédiction de notre corps, nous voyons bien que si nous voulons accéder à la sagesse, nous devons intégrer l'aspect sacré du corps.

"Un corps me fut donné." La découverte de ce don, l'étonnement qu'il suscite, et l'expérience que nous pouvons en faire, nous conduit à un remerciement, à la suite d'Ossip Mandelstam :


"M'est donné un corps, que devrais-je en faire,
Un corps si un, un corps si mien ?

Pour la joie douce, de respirer et vivre, 
Dites-moi, à qui, dois-je rendre grâce ?

C'est moi le jardinier, et moi la fleur,
Dans la prison du monde, je ne suis pas seul.

Et sur les vitres de l'éternité
Mon souffle et ma chaleur se sont posés

Un léger dessin s'y sera fixé
Et qu'on ne reconnait plus désormais.

Mais qu'elle s'écoule, de l'instant la buée
Ce précieux dessin, on ne peut l'effacer."




Le texte m'a été inspiré par Jack Kornfield (Après l'extase, la lessive) et le dernier poème par Fabrice Midal (cité dans Etre au monde - 52 poèmes pour méditer)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un commentaire, entrez un profil : avec votre compte Google si vous en avez un, ou en anonyme ou encore avec un nom, le vôtre ou un pseudonyme.
Je lis les commentaires avant publication pour éviter les messages "toxiques" ou sans rapport avec notre association.
Merci d'avance de donner votre avis ou de partager avec nous vos idées ou découvertes.