dimanche 15 décembre 2019

Christian Bobin



Christian Bobin était l'invité de La grande librairie cette semaine. C'est un bonheur de l'écouter parler, lui qui s'exprime comme il écrit. Je crois qu'il pense poétiquement. On parle d'habiter poétiquement le monde, Christian Bobin le pense poétiquement.
Alors bien sûr, il faut entrer dans son monde et se laisser porter par cette façon particulière de tout regarder et d'être présent mais on peut se laisser facilement envoûter.
J'ai retenu quelques phrases pour nous laisser écouter le silence entre les mots. Elles parlent de mélancolie, d'émerveillement, de musique mais aussi de l'amour et de la mort.




"Je ne fais que chanter. J'écoute aussi la conversation du tilleul avec le vent. Le fou rire des feuilles dans la petite brise du soir est un bon remède contre la mélancolie." Eloge du rien


"L'émerveillement n'est pas l'oubli de la mort, mais la capacité de la contempler comme tout le reste, comme l'amer et le sombre : dans la brûlure d'une première fois, dans la fraîcheur d'une connaissance sans précédent.
La fin de l'enfance est sans histoire. C'est une mort inaperçue de celui qu'elle atteint. C'est la plus grande énigme dans la vie, comme l'épuisement d'une étoile dont l'éclat ne cesse plus de ravir toutes vos heures, jusqu'à la dernière.
Il n'y a ni futur ni passé dans la vie. Il n'y a que du présent, qu'une hémorragie éternelle de présent."
La part manquante




"Mélancolie. Personne ne sait : les usines, les grandes étoffes noires des usines. Le miroir du ciel en deuil. La très sainte oisiveté bannie des grandes villes. Plus rien, plus personne.
La nudité du mot absence. Cette musique préférée de vous : des chants grégoriens, comme au bord de la mer, très proche de mourir. Cet art accompli du souffle et du silence, qui seul me permettait de vous atteindre.

Mettre un disque pour organiser l'absence. Glenn Gould joue des sonates de Haydn. Le disque est rayé au début de la sonate numéro 62. Dans le mouvement lent, il se produit quelque chose, un ratage. L'interprète oublie brusquement la musique, toute cette masse de musique depuis le premier soir du monde. Il joue à deux notes du silence. Il invente une émotion pure, effrayante, qui n'aurait avant cet instant emprunté aucun corps, sauf peut-être celui d'un simple d'esprit ou d'un fou." 

L'enchantement simple



"De la mort qui est ici chez elle, personne ne leur parle. ils sont les seuls à en dire quelque chose, toujours à l'improviste et à voix basse, comme s'il s'agissait d'une chose honteuse.
Ces gens dont l'âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n'auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe." La présence pure


"Qui n’a pas connu l’absence ne sait rien de l’amour. Qui a connu l’absence a pris connaissance de son néant – de cette connaissance de son néant – de cette connaissance lointaine qui fait trembler les bêtes à l’approche de leur mort." Une petite robe de fête

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